L'histoire moderne en Roussillon



Retour de la monarchie au XIXe siècle

Nous sommes en 1815. Le Roussillon est français depuis longtemps, et la population, régénérée depuis le traité des Pyrénées, se sent parfaitement intégrée à son pays. Cependant, cette année marque le deuxième retour de la monarchie sous la tutelle des Bourbons. Or, la population est majoritairement républicaine. La colère monte lentement, surtout dans la plaine et la vallée de la Têt, contrairement à la Cerdagne ou à la Salanque, où les Catalans semblent mieux s'accommoder de cette situation.

Louis XVIII, puis Charles X, parviennent à maîtriser la situation, mais en 1830, la deuxième révolution éclate. Perpignan devient le théâtre de nombreuses manifestations. Partout dans les villages, les habitants montent au créneau, revendiquant leur désir de voir la République restaurée. L'opposition légale trouve un porte-parole de choix : François Arago, député et futur ministre des Armées après 1848. En 1846, des républicains convaincus fondent un journal quotidien revendicatif : *L'Indépendant des Pyrénées-Orientales*. Ce journal demeure aujourd'hui le titre phare de la région.

De plus en plus fréquemment, la population se rebelle contre la bourgeoisie et les grands propriétaires terriens. Des grèves éclatent spontanément, et certaines maisons sont attaquées et incendiées. Maintenir l'ordre monarchique devient difficile. La révolution de 1848 ramène un certain calme en restaurant la République. Cependant, le 2 décembre 1851, le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, réalise un coup d'État. Les républicains sont alors sévèrement réprimés.

En Catalogne, 350 personnes sont déportées en Guyane ou en Algérie. La population est muselée par la force. En 1852, Louis-Napoléon Bonaparte se proclame empereur. Il contrôle fermement l'opposition, mais en 1864, il accorde le droit de grève. Peu à peu, les Catalans s'habituent à ce rythme et accordent leur confiance à leurs députés, bien qu'ils soient issus de la bourgeoisie.


1845 : Les Trabucayres sèment la panique

Les Trabucayres étaient des bandits de grand chemin qui sévissaient dans le Bas-Vallespir, à Céret. Ils avaient leur quartier général à Las Illas, un hameau dans les Albères, au-dessus de Maureillas. Leur nom provient des *trabucs*, le terme catalan désignant le tromblon, une arme en usage à l'époque.

L'histoire des Trabucayres s'inscrit dans un contexte plus large : la deuxième guerre civile espagnole entre Don Carlos et Isabelle II. Tout commence en 1833, à la mort de Ferdinand VII.

Don Carlos, frère de Ferdinand VII, revendiquait le trône en vertu de la loi salique. Cette prétention déclencha une guerre de succession avec les partisans de la fille de Ferdinand VII, la future Isabelle II, légitime selon eux. Ce conflit, connu sous le nom de Première Guerre carliste, dura de 1833 à 1840 et eut des répercussions importantes sur l'histoire de l'Espagne. Après cette guerre, une deuxième, moins intense, éclata entre 1846 et 1849. Toutefois, entre ces deux conflits, les carlistes se dispersèrent sur le territoire, et certains s'établirent à Las Illas, décidant d'attaquer la diligence reliant Perpignan à Barcelone.

Le 24 février 1845, treize carlistes se dirigèrent vers Gérone. Le 27, ils arrêtèrent la diligence entre Gérone et Tordera, firent descendre tous les passagers, brutalisèrent les femmes et deux officiers de l'armée espagnole, puis dérobèrent tous les biens de valeur. Ils prirent également trois hommes en otage : Roger, banquier à Figueras, Don Ballber, 70 ans, de Gérone, et Jean Massot, 16 ans, étudiant. Le 29, les Trabucayres revinrent à Las Illas avec deux des otages, Don Ballber ayant succombé à la fatigue pendant le trajet. Les gendarmes retrouvèrent le groupe, et lors d'un échange de coups de feu, Roger fut tué. Le groupe se scinda alors en deux : une partie partit vers Coustouges, tandis que l'autre se cacha dans la grotte de Bassagoda, située sur la commune d'Arles-sur-Tech, avec leur dernier otage.

Tout au long d'avril 1845, des échanges épistolaires eurent lieu entre Jean Massot et sa mère, dans le but d'obtenir une rançon. Hélas, la mère n'avait pas les moyens de payer. Le 1er mai, les gendarmes espagnols et français resserrèrent l'étau autour des ravisseurs. Voyant que la rançon ne serait jamais payée, ils décidèrent de se débarrasser de leur otage. Jean Massot fut froidement tué à l'arme blanche par Matheu, dit « Xicolate », surnommé le sanguinaire, qui conserva sur lui les oreilles du jeune homme comme trophée. C'était le 1er mai 1845.

Le 5 mai, les gendarmes, informés qu'un groupe d'étrangers avait tenté de franchir la frontière au mas Aloy, sur le territoire de Corsavy, encerclèrent les lieux. L'assaut fut donné, et Michel Bosch fut mortellement touché. Avant de mourir, il se confessa, confirmant les crimes du groupe. Les autres membres furent arrêtés et emprisonnés à Céret, puis transférés à la prison municipale de Perpignan, située à l'époque au couvent Sainte Claire. Le procès se déroula à la chapelle du Tiers-Ordre à Perpignan. Le verdict fut sévère : quatre condamnations à mort, les autres aux travaux forcés ou à l'emprisonnement. Jean Simon, dit Tocabens, considéré comme le chef, fut guillotiné à Céret fin juin 1846, suivi de Joseph Balme, dit Sagals. Ils furent enterrés sous un petit bâtiment servant de placard à matériel le long du mur du cimetière. Jérôme Icazes, dit Llaurens, et Joseph Matheu, dit Xicolate, furent guillotinés à Perpignan à la même époque.


Développement des transports au XXe siècle

Les Pyrénées-Orientales se distinguent, comme plusieurs autres départements français, par une grande variété de terrains géologiques. De la plaine du Roussillon aux collines calcaires des Corbières, des hautes montagnes pyrénéennes aux vallons abrupts des Aspres, des plateaux d'altitude aux vallées alluvionnaires, les habitants de la région ont toujours été confrontés à des difficultés de déplacement. C'est notamment pour cette raison que la Cerdagne est restée très autonome jusqu'à la fin du XIXe siècle, alors que d'autres zones, comme la vallée du Tech, étaient déjà désenclavées.

La plaine du Roussillon, incluant la Salanque, a rapidement été traversée par de nombreuses routes. La première véritablement connue est la fameuse Via Domitia, d'origine romaine. Jusqu'aux grands défrichages du XIIe siècle, la plaine était encore très boisée, principalement constituée de petits arbustes, rendant les déplacements difficiles entre les domaines agricoles, principaux lieux de vie de l'époque. Peu à peu, de grandes routes furent aménagées, notamment dans les vallées des Aspres ou le long des fleuves. Cependant, ce n'est qu'à partir du milieu du XIXe siècle que les routes devinrent réellement praticables, facilitant les déplacements.

Le désenclavement de la Cerdagne s'est poursuivi avec la construction de routes entre 1850 et 1880. Le chemin de fer y fut introduit quelques décennies plus tard, entre 1910 et 1927. Toutefois, l'exode rural qui suivit dans les années 1920 limita l'exploitation de cette infrastructure, une grande partie de la population ayant migré vers la plaine. D'autres lignes ferroviaires furent construites à la même époque, nécessitant d'importants ouvrages d'art. Pour la ligne de Céret, par exemple, ces ouvrages furent réalisés en granit blanc importé. En 1870, une centaine de tailleurs de pierre travaillaient quotidiennement pour ces projets. La ligne fut inaugurée en 1898, mais elle ferma en mai 1940 pour les voyageurs et en 1972 pour les marchandises.

Au XIXe siècle, les déplacements s'effectuaient principalement en diligence, parfois de grande taille, reliant les grandes villes entre elles. C'est d'ailleurs la diligence reliant Barcelone à Perpignan qui fut attaquée par les célèbres Trabucayres en 1845. Les attaques restaient rares, mais les accidents étaient relativement fréquents, bien que rarement dangereux. On peut citer, par exemple, l'accident de la diligence Bourg-Madame-Prades, le 28 juillet 1888, dû à une défaillance de frein dans une descente. Les 24 passagers furent blessés à des degrés divers. Un autre accident notable survint le 11 septembre 1907, lorsque la diligence Mont-Louis-Perpignan bascula dans la Têt à hauteur de Villefranche. Par miracle, il y eut peu de blessés. Pour limiter les risques, on commença à goudronner les routes. Bien que cette technique soit connue depuis 1906, elle ne fut introduite en Roussillon qu'en 1914.


Fin XIXe siècle : Les fouilles préhistoriques du Serrat d'En Vaquer

La fin du XIXe et le début du XXe siècles marquent un intérêt croissant pour l'histoire et le patrimoine. Bien que l'on soit encore loin des notions modernes de conservation du patrimoine ou de méthodes rigoureuses de fouilles, cette période fut particulièrement riche en découvertes archéologiques à Perpignan et dans sa région.

Les grandes avancées dans le domaine de la préhistoire furent principalement réalisées grâce aux travaux de Charles Depéret, paléontologue et géologue, ainsi que d'Albert Donnezan, médecin, archéologue et historien local. Le principal site de fouilles de cette époque fut celui du Serrat d'En Vaquer. À la fin du XIXe siècle, lors de la construction du fort sur ce site, les premières fouilles archéologiques d'ampleur y furent entreprises.

Grâce à leur vigilance, ces chercheurs ont pu recueillir divers fragments d'os, mâchoires, crânes, défenses et carapaces, datant de l'ère ruscinienne. Parmi les découvertes notables figure le fossile de la tortue de Perpignan, la plus grande tortue terrestre ayant jamais existé. Ce fossile est aujourd'hui exposé à la Galerie de l'Évolution, à Paris, tandis qu'un moulage est conservé localement. Le site du Serrat d'En Vaquer, daté entre -4,5 et -3,5 millions d'années, a révélé des vestiges d'espèces variées : singe, ours, tigre à dents de sabre, petit cheval, lynx, rhinocéros, éléphant à défenses droites, entre autres.

Les découvertes réalisées sur ce site sont pour la plupart conservées au Muséum d'Histoire Naturelle de Perpignan. On y trouve notamment une défense et une molaire de mastodonte, un moulage de crâne de singe et un fragment de porc-épic. Cependant, le musée ne peut présenter qu'environ 1% de ses collections en raison d'un manque de place. Le reste, soit plus de 500 pièces, demeure stocké dans des réserves, en attente d'être valorisé auprès du public. Ces collections incluent des pièces exceptionnelles, comme des fragments de rhinocéros, de sangliers et d'hipparions.


Démolition des remparts de Perpignan

Les trois enceintes médiévales

Comme la plupart des grandes villes françaises, Perpignan conservait encore au XIXe siècle ses enceintes fortifiées datant du Moyen Âge. La première enceinte protégeait le cœur historique de la ville, comprenant le quartier Saint-Jean et le château comtal. La deuxième, plus vaste, fut édifiée au XIIe siècle sous le règne de Jacques Ier le Conquérant pour sécuriser une ville en pleine expansion.

Partant de derrière Saint-Jean-le-Vieux, ce rempart comportait plusieurs portes. Il était percé d'une première entrée, le *Portal de l'Axugador*, et remontait ensuite la rue du Bastion Saint-Dominique (à noter que ni la cathédrale ni le Campo Santo n'existaient alors). Le rempart poursuivait son tracé par la rue de la Manche et la rue Foy pour arriver au *Portal d'Elne*, à l'actuelle place Rigaud. De là, il longeait la rue de la Fusterie, traversait la place des Poilus (où se trouvait le *Portal de Matatoro*, près duquel existait déjà un marché), et continuait le long de la rue de la Poissonnerie. Au bout de cette rue se trouvait le *Portal de Mailloles* (ou Pont d'En Vestit).

3<sup>e</sup> enceinte de Perpignan

3e enceinte de Perpignan

Enfin, le rempart bifurquait pour longer la rive droite de la Basse jusqu'au *Portal del Toro* (actuelle place Arago, nommé ainsi en raison de la fontaine *del Toro* située à proximité). De là, il suivait le cours de la Basse en direction du futur Castillet (qui n'existait pas encore), où se trouvait la porte *Portal del Vernet* ou *Portal de Notre-Dame*, du nom de l’église Notre-Dame située à l’extérieur de la ville. Depuis cet endroit, le rempart revenait au point de départ en longeant l’actuelle rue du Castillet.

Une troisième enceinte fut érigée à partir de 1227 pour inclure le palais des rois de Majorque et la partie ouest de la ville. Aujourd'hui, la rue "Rempart Villeneuve" en témoigne. Cette enceinte joua un rôle défensif tout au long du Moyen Âge. Ainsi, au XVe siècle, les Français ne parvinrent à entrer dans la ville qu’après un long siège. De même, Perpignan fut prête à résister à un siège similaire contre les Espagnols en 1793.


Histoire de la destruction des remparts de Perpignan

À partir du XIXe siècle, les progrès de l'artillerie rendirent les murailles en pierre obsolètes. De plus, la menace française, qui avait justifié leur construction, s’était déplacée vers le nord du territoire, les relations avec l’Espagne se normalisant.

Le Castillet et ses remparts

Le Castillet et ses remparts

La ville étouffait littéralement entre ces épais murs. La population manquait de place, et de nombreux Perpignanais réclamaient leur destruction. Pourtant, bien que 3/5e de la ville fût construite hors des remparts, seulement 30 % de la population y habitait. L'arrivée du chemin de fer amplifia cette pression démographique. À cette époque, la préservation du patrimoine était une préoccupation secondaire, largement dépassée par les besoins de développement urbain. C’est pour cette raison que toutes les grandes villes françaises ont perdu leurs remparts, à l’exception notable de Carcassonne, qui a eu plus de chance. À Perpignan, les remparts appartenaient à l’armée, qui les considérait toujours comme essentiels à la défense de la ville.

La destruction des remparts débuta officiellement en 1857. Le 1er mai de cette année, la municipalité vota l’autorisation donnée au maire pour entamer des négociations avec l’armée en vue de racheter l’enceinte médiévale. Ces discussions tombèrent rapidement dans l’impasse et stagnèrent pendant des décennies.

Trente-cinq ans plus tard, le 10 septembre 1892, un "Comité de démolition des remparts" organisa une réunion publique pour souligner l’urgence de leur destruction. Ce comité, véritable outil de propagande, mit en place des méthodes permettant à la population d’exprimer son mécontentement. Son efficacité fut telle qu’un véritable vent de protestation s’éleva. Le 17 juin 1895, soit trois ans plus tard, la ville proposa au ministère de la Guerre de racheter les remparts pour la somme de 13 millions d’euros. Mais une fois encore, les négociations échouèrent.

La démolition

La démolition

La démolition

La démolition

Le 15 décembre 1903, la ville de Perpignan intensifia ses pressions sur le ministère de la Guerre. Elle signa une convention confiant les travaux de terrassement à la Société Hydro-électrique du Roussillon, dirigée par un notable local, Edmond Bartissol. Sous cette pression, l'État vendit finalement les remparts nord à la ville le 20 avril 1904. La muraille concernée s’étendait de la porte Saint-Martin à la porte de Canet (actuel boulevard Jean-Bourrat). Les travaux débutèrent le 16 mai 1904. À la porte de Canet, les premiers coups de pioche firent éclater les briques et le mortier, tandis que de lourds engins de déblaiement entrèrent en action. Bien que ce premier chantier fût modeste en comparaison des destructions futures, il s’étendit progressivement. En deux ans, l’ensemble du rempart était à terre.


Sauvegarde du Castillet

Le 27 août 1904, les ouvriers d'Edmond Bartissol arrivent près du Castillet avec pour ordre de démolir le bastion attenant. Leur intervention suscite immédiatement une vive polémique : la municipalité n’avait pas cédé ces terrains à la Société Hydro-électrique du Roussillon (SHER).

Le Castillet

Le Castillet

Le ministère des Beaux-Arts et le préfet des Pyrénées-Orientales interviennent alors pour ordonner l’arrêt immédiat des travaux et évaluer la pertinence de démolir le Castillet ainsi que ses bâtiments annexes. Le 4 janvier 1905, l’architecte Boeswilwald, mandaté par les Monuments historiques, inspecte les lieux. Dans ses conclusions rendues le 24 juin 1905, il autorise la démolition du bastion et des écuries, mais interdit celle du Castillet lui-même ainsi que de l’ensemble formé par la porte Notre-Dame et le bastion polygonal annexe. Cette décision est la raison pour laquelle Perpignan conserve encore ces édifices aujourd’hui.

Comme prévu, les écuries sont démolies le 3 juillet 1905, et les travaux se poursuivent jusqu’en juin 1906, mettant à terre l’intégralité du rempart nord. Quant au rempart sud, il bénéficiera d’un sursis de plus de vingt ans avant d’être à son tour démoli dans les années 1930, suite à son rachat par la ville (le 14 juillet 1930) à l’armée. Ce rachat avait pour objectif la construction de logements sociaux, réalisés quelques années plus tard.

À l’époque, la population et l’opposition municipale n’étaient pas opposées au principe même de la démolition des remparts. On peut dire qu’un consensus existait sur cette question, les différends portant principalement sur les modalités d’exécution, et non sur le projet lui-même. De nos jours, il ne subsiste de cette enceinte que quelques fragments de fortifications, visibles notamment en contrebas du couvent des Minimes et autour du Palais des rois de Majorque.


Crise viticole de 1907

Si la vigne existait à l’état sauvage depuis des milliers d’années, elle ne fut réellement cultivée qu’à partir de l’époque romaine. Les Romains produisaient du vin sur leurs vastes domaines agricoles, principalement situés dans la plaine du Roussillon. Durant le Moyen Âge, la viticulture se développa davantage, mais c’est au XIXe siècle qu’elle connut un essor significatif, grâce à l’arrivée du chemin de fer qui favorisa les exportations vers le nord de la France.

À la fin du XIXe siècle, la vigne était largement implantée en Roussillon, mais également dans tout le Languedoc et en Algérie. La surface viticole passa de 115 000 hectares en 1850 à 460 000 hectares en 1900, un niveau qui se maintint jusqu’aux années 1960. Par la suite, cette superficie diminua pour atteindre 293 000 hectares en 2005.


Origine de la crise

Les problèmes commencèrent en 1863, année où apparut pour la première fois un petit parasite de la vigne : le phylloxéra. Il se propagea comme une traînée de poudre, dévastant les vignobles locaux. Pour l’éradiquer, une méthode radicale consistait à noyer les pieds de vigne, mais cette solution était difficile à mettre en œuvre. La véritable parade fut trouvée par Émile Planchon, un scientifique montpelliérain, qui introduisit la greffe des cépages français sur des ceps américains résistants à l’insecte.

Cependant, les dégâts causés par le phylloxéra encouragèrent les pratiques frauduleuses. Certains allongeaient le moût de raisin avec de l’eau et y ajoutaient du sucre, tandis que d’autres produisaient du vin artificiel à base de jus d’autres fruits. De leur côté, les vignerons honnêtes tentaient de surproduire pour subvenir aux besoins de leur famille. Cette pratique, appelée "faire pisser" la vigne, aboutissait à des vins légers qui devaient être mélangés avec des vins plus corsés provenant d’Algérie. Entre les difficultés économiques et la tentation de la fraude, l’anxiété des viticulteurs grandissait, annonçant l’imminence de la crise.


La crise viticole

La crise éclata début 1907 à Baixas. L'année précédente, la récolte avait été maigre. Parallèlement, les prix du vin chutèrent, plongeant les familles de viticulteurs dans de graves difficultés financières. Incapables de payer leurs impôts, malgré les nombreuses demandes de l'État, les huissiers furent envoyés, mais sans argent, il leur était impossible de s'acquitter de la somme. La population de Baixas décida alors d'agir.

Le 18 février 1907, Marcelin Albert, viticulteur, envoya un télégramme à Georges Clémenceau :

Midi se meurt. Au nom de tous, ouvriers, commerçants, viticulteurs, maris sans espoirs, enfants sans pain, mères prêtes au déshonneur, pitié ! Pitié encore pour les nobles défenseurs républicains du Midi qui vont s’entre-déchirer dans un combat sanglant. La fraude est prouvée. La loi du 28 janvier 1903 la favorise. Abroger cette loi, voilà l'honnêteté. Il est du devoir du gouvernement d’empêcher le choc. S’il se produit, les clés ouvriront les portes de la prison, mais ne pourront jamais rouvrir les portes des tombeaux.

Au même moment, Joseph Tarrius, vigneron et pharmacien à Baixas, envoya une pétition signée par les habitants, accompagnée du texte suivant :

La commune de Baixas, incapable de payer l'impôt, est sous le coup d'expropriation en masse. Il n'est qu'un impôt que nous puissions payer, et que nous payons encore : l'impôt du sang.

Le 11 mars, le gouvernement réagit en envoyant une commission d'enquête sur la viticulture, commission travaillant à Narbonne. Marcelin Albert organisa alors une marche vers la ville, qui ne réunit que 87 personnes. Cette marche partit d'Argeliers, sa propre ville. Cela provoqua un effet "boule de neige". Le 24 mars, 300 vignerons se réunirent à Sallèles-d'Aude, le 31 ils étaient 600 à Bize. Peu à peu, la foule grandit (5 000 personnes le 14 avril à Coursan, 15 000 à Capestang, dans l'Hérault, le 21). C’est ce jour-là que parut le premier numéro du "Tocsin", un journal fondé par Albert à Argeliers.

La crise viticole

La crise viticole

Le 28 avril, 25 000 personnes se retrouvent à Lézignan. Marcelin Albert devient le fer de lance de la protestation, il lit les discours, s'enflamme à chaque intervention. On le surnomme "Lou Cigal", "Le rédempteur", "l'apôtre des gueux". Le 5 mai, une foule gigantesque se réunit à Narbonne. Le 12 mai, ils sont 150 000 à Béziers. Le maire de Narbonne, Ferroul, plutôt réticent face aux manifestations, finit par s'y rallier. Il interpelle le gouvernement : "Si, à la date du 10 juin, le gouvernement n'a pas pris les dispositions nécessaires pour provoquer un relèvement des cours, la grève de l'impôt sera proclamée." Marcelin Albert pense que cet ultimatum n'est pas une bonne initiative, et l'histoire lui donne raison, car le gouvernement tient bon.

Le 19 mai, 180 000 personnes défilent à Perpignan, 200 000 à Carcassonne le 26 mai. Le 2 juin, 300 000 personnes défilent à Nîmes. Le 9 juin, une foule immense converge à Montpellier ; tout le Languedoc-Roussillon est présent. On estime qu'entre 600 000 et 800 000 personnes se sont amassées dans la ville, ce qui marque l'apogée de la contestation. Dans le discours de Ferroul, maire de Narbonne, il annonce qu'il renonce à son titre de maire. Cette décision entraîne une vague de démissions parmi les élus locaux (442 municipalités démissionnent). Le 10 juin, les préfectures sont assaillies par les démissions, mais Clémenceau les refuse individuellement.

Le conflit se durcit le 15 juin, avec l'imminence de l'arrestation de Ferroul et d'Albert. Conscients du danger pour la suite de leur mouvement, la population vient en masse protéger ses leaders, mais le 19 juin, ils sont tous arrêtés, sauf Albert qui s'est réfugié entre-temps dans le clocher de son village. L'arrestation de Ferroul provoque des dégâts à Narbonne, suite à une révolte violente : le sang coule, et quelques habitants y laissent la vie. À Perpignan, la préfecture est mise à sac.


La sortie de crise... et les crises suivantes

Le gouvernement réagit enfin. Prenant acte de l'ampleur des difficultés du Sud de la France, il fait adopter une loi le 29 juin 1907 protégeant les viticulteurs. Celle-ci interdit le mouillage du mout et l'abus de sucre, qui sont les caractéristiques de la fraude. Elle impose aussi une déclaration de récolte, règlemente le sucrage et reconnaît le droit aux syndicats de propriétaires de se porter partie civile pour la répression des fraudes. Cette loi sera complétée le 15 juillet par une autre sur la circulation des vins et alcools, qui est toujours en vigueur aujourd'hui. À propos des syndicats, le premier syndicat de vignerons est créé dans la foulée, avec à sa tête un baixanenc, Eugène Tixère.

Malheureusement, cette loi résolvait un problème typiquement français, et bien que l'Algérie en fût un élément majeur à cette époque, une nouvelle crise se profila en 1930 à cause des vins de ce département. Une autre crise apparut en 1957, due cette fois-ci aux vins italiens. Nouvelle crise en 1976, avec un acte fort du ministre Bonnet qui traite les vins du Sud de la France de "bibine". Si ce mot n'apporta pas la popularité que souhaitait le ministre dans le Sud de la France, il fut le point de départ d'un phénomène qui trouve son aboutissement aujourd'hui : l'élaboration de vins suivant le critère qualitatif.

La dernière crise en date est celle de 1999, peut-être la plus difficile, car il s'agit d'une crise mondiale. Les Français ont depuis longtemps une organisation basée sur le territoire, l'AOC. Les Anglo-Saxons, eux, se basent sur le cépage. Or, dans le monde, les Anglo-Saxons sont plus nombreux, et les deux concepts se heurtent, avec, en France, des personnes qui préfèrent faire de la qualité AOC, et d'autres de la qualité cépage. Les premiers ont plus de mal à écouler leur stock.


L'architecture des années 30 à 50 à Perpignan

Des années 30 aux années 50, Perpignan a vu son urbanisme radicalement changer sous l'influence d'architectes novateurs, en phase avec leur époque et leurs cultures locales. Le fer de lance de ce mouvement a été porté par plusieurs architectes tels qu'Alfred Joffre, Raoul Castan ou Mas-Chancel, mais c'est Férid Muchir, dont le nom est aujourd'hui oublié, qui est peut-être le plus emblématique. Le fait qu'il soit oublié constitue une grande injustice lorsqu'on considère l'apport qu'il a fait à l'architecture de Perpignan.

Férid Muchir est né d'un père diplomate persan de Constantinople et d'une mère propriétaire d'un domaine viticole à Rivesaltes. Catalan de naissance et de cœur, Férid part faire des études aux Arts-Décoratifs de Paris. Le courant majeur dans ce domaine à l'époque était caractérisé par des lignes droites, longues et épurées, un style minimaliste que Le Corbusier adoptera. Lorsqu'il revient à Perpignan en 1933, Férid s'associe avec son oncle Alfred Joffre dans un cabinet d'architecture, mais il le quitte en 1936 pour avoir son indépendance. Commence alors pour lui une carrière qui aboutira à la transformation d'une partie de Perpignan.

L'une de ses constructions les plus emblématiques est le pont Arago, à Perpignan. Si on l'observe un peu, on retrouve dans ses lignes épurées et ses motifs géométriques à angles droits les caractéristiques du mouvement Art-Déco en vogue dans les années 30. Pour les bâtiments, Muchir prend en compte les caractéristiques de la région. Ses maisons, construites plutôt dans les années 50 à la fin de sa carrière, sont faites de grandes pièces baignées par le soleil à travers de larges baies vitrées. Le quartier Muchir, qui a vu le jour à Canet et qui a été détruit entre-temps, offrait à la vue des passants des maisons individuelles en bois rectangulaires, aux arêtes saillantes, aux vitres larges et aux murs percés de nombreux oculus. Ces maisons étaient quasiment toutes identiques. Son style était reconnaissable par les escaliers larges aux marches blanches et des terrasses spacieuses. En 1956, il construit la Villa Familiale, désormais un bâtiment inscrit aux Monuments Historiques (depuis 2015). Mais Perpignan est la ville dans laquelle il a le plus travaillé. Dans le quartier des remparts, il conçoit de nombreux bâtiments, essentiellement des immeubles, qui présentent les caractéristiques du style Art-Déco, un style gothique modernisé. Ses confrères travaillaient également sur ce style, ce qui fait que plusieurs quartiers de Perpignan ont été réalisés dans cette veine. Il faut dire que la ville s'était débarrassée de ses encombrants remparts dans les années 1900, et cette place récupérée en plein centre-ville a attisé pendant 30 ans la convoitise de toute personne ayant suffisamment d'argent pour entreprendre un projet immobilier. Les propriétaires de domaines agricoles étaient les plus en vue, car ils disposaient de liquidités pour faire construire des immeubles au centre-ville. C'est de cette époque, entre les années 1910 et 1930, que datent les grandes avenues perpignanaises comme le boulevard Clémenceau ou le boulevard des Pyrénées. La ville s'est largement transformée sur le plan urbanistique à cette époque.

Pour en revenir à Férid Muchir, on peut citer, pêle-mêle, quelques-unes de ses réalisations : l'aérodrome de la Llabanère, qui se trouve de nos jours avenue du Haut-Vernet, entre Perpignan et Bompas ; la maison Bausil, dite aussi la maison rouge, qui prend partiellement le haut d'une tour des remparts ; le siège des Courriers Catalans, à Saint-Assiscle ; la gare maritime de Port-Vendres ; et la rénovation du Palmarium, pour laquelle il utilise de la poussière de Cayrou, entre autres.


La Retirada

La Retirada, qui signifie "retraite" en espagnol, est un terme qui n'est pas assez fort pour décrire ce que les personnes concernées ont enduré durant l'histoire qui va suivre...

Nous sommes en 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. En Espagne, le dictateur Franco obtient des pouvoirs accrus. Ses alliances avec Hitler constituent une menace pour la France, et la population espagnole est inquiète pour ses libertés. Le début de l'année 1939 va tout provoquer.

En seulement deux semaines, 100 000 réfugiés vont franchir le col d'Arès, à Prats-de-Mollo. Tous les points de passage sont concernés. Le col du Perthus et la route de Cerbère voient passer les foules.


Les événements

C'est par le col d'Arès que les premiers réfugiés arrivent, le 27 janvier 1939, en France. Arrêtés à Prats-de-Mollo, ils s'installent comme ils peuvent dans la ville. Le lendemain, le mouvement s'accélère au point d'inquiéter les autorités. L'école primaire est réquisitionnée, mais il manque rapidement de place pour loger tout le monde. Par crainte de débordement, les autorités envoient en renfort des gardes mobiles et des tirailleurs sénégalais. Dès le 29 janvier, des convois partent en direction du camp de triage du Boulou.

Le 31 janvier, le ministre de l'Intérieur se rend à Prats-de-Mollo pour assister à cet exode humanitaire. Pour accueillir ces réfugiés, quatre camps de concentration sont construits dans la vallée du Tech. Les abris sont faits de branches, de feuilles, tout ce qui peut servir est récupéré. Les arbres environnants les camps sont abattus pour fournir du bois de chauffage. Face au froid, on en vient à brûler le matériel scolaire et les crosses des armes à feu. Il faut acheminer en urgence 30 tonnes de nourriture par jour pour faire survivre cette marée humaine.

Le 13 février, la frontière est officiellement fermée, gardée par les soldats de Franco. 35 000 réfugiés sont toujours internés dans les camps de Prats-de-Mollo, et bien d'autres le sont dans les autres camps du département. La nouvelle vague de froid qui s'abat sur la vallée pousse les autorités locales à ouvrir tous les lieux publics, les églises, les écoles, et à réquisitionner les granges, les appartements, les garages, etc. Les camps seront définitivement fermés fin mars, mais cet hiver fut considéré comme un calvaire pour ces Espagnols fuyant Franco.

Dans le même temps, Cerbère voit arriver une masse considérable d'Espagnols. Franchissant la frontière, ils sont internés de la même manière dans des camps créés de toutes pièces sur la plage d'Argelès-sur-Mer. Si le froid ne les a pas autant touchés que leurs compatriotes laissés à Prats-de-Mollo, ils durent toutefois subir les affres des épidémies. 250 000 réfugiés passeront par ce camp d'Argelès durant l'hiver 1939. Rien qu'au mois de mars 1939, ce sont pas moins de 77 000 personnes qui sont internées à Argelès. Un autre camp fut ouvert à Saint-Cyprien, qui accueillit 90 000 personnes.

À Saint-Laurent-de-Cerdans, autre lieu de passage, 70 000 réfugiés arrivent dans le village. 5 000 d'entre eux ont pu être logés sur place, en particulier dans une fabrique de sandales transformée en dortoir. Au total, en quinze jours seulement, ce sont plus de 450 000 personnes qui arrivent dans le département. Afin de canaliser le flot de républicains, les autorités les font passer des camps de concentration locaux (Prats, Argelès) vers des camps plus vastes, dans la plaine : le Camp Joffre, qui connaîtra les premières pages sombres de son histoire.


De nos jours...

De nos jours, soit plus de 60 ans après, une grande partie de ces familles est toujours installée dans la région. Leurs enfants ont grandi et sont devenus français. Quel Catalan n'a pas un ami nommé Sanchez, Garcia ou Lopez ? Le Camp Joffre est en grande partie en ruine. Depuis peu, il est transformé en lieu de souvenir. La plage d'Argelès-sur-Mer possède un monument commémoratif dédié aux réfugiés espagnols.


La guerre de 1939-45

Le commencement de la Seconde Guerre mondiale vu de Perpignan n'a pas été aussi intense que dans d'autres régions de France. Les principaux motifs d'inquiétude portaient surtout sur l'appel sous les drapeaux de nombreux hommes des villages. Certains de ces villages étant déjà assez dépeuplés ou en voie d'extinction, la mobilisation générale a précipité leur abandon : c'est le cas de Périllos ou de Cômes.

De plus, le département était toujours en train de traiter les réfugiés espagnols fuyant le franquisme dans leur pays : les camps de réfugiés construits en urgence venaient tout juste de se vider, une grande partie des réfugiés étant toujours au camp de Rivesaltes.

Durant la première partie de la guerre, mis à part les mouvements de troupes, c'est dans les airs que se manifestait l'état de guerre. En effet, le 114e bomber squadron de la Royal Air Force arrive sur la base de Perpignan durant l'hiver 1940. Mais face à l'avancée allemande, celui-ci est obligé de repartir à sa base d'attache, Vraux (près de Reims), le 10 mai 1940.


L'arrivée des Allemands

Tout se précipite le 12 novembre 1942. Ce jour-là, les Allemands envahissent la zone libre et arrivent à Perpignan. C'est justement l'aéroport qui sera tout d'abord investi. Son commandement est pris en charge par un détachement de la Luftwaffe. Une protection anti-aérienne est installée, dont le centre névralgique est un bunker construit pour l'occasion dans l'axe de la piste, sur la colline de Peyrestortes. Ce bunker existe toujours. Par ailleurs, les Allemands investissent le littoral. Ils y créent une barrière de fortifications afin d'empêcher tout débarquement, le "Mittelmeerküstenfront", que l'on retrouve sur toute la côte méditerranéenne.

Bunker à Torreilles-Plage

Bunker à Torreilles-Plage

De nombreuses casemates sont construites, des blaukhaus d'artillerie, des galeries souterraines ou d'encuvement. Les bunkers de Torreilles-Plage témoignent encore de nos jours de ce passé relativement proche.

Le cap Béar, à Port-Vendres, est particulièrement surveillé. Ses constructions existent toujours de nos jours. Il faut dire que 2 500 soldats y étaient casernés, ce qui nécessita de gros travaux. À Torreilles, les blaukhaus sont équipés de lances-flammes automatiques. Les constructions furent réalisées pour deux tiers par les Français et un tiers par les Allemands. Des Espagnols vinrent même leur prêter main-forte.

En 1944, 10 000 soldats allemands étaient postés dans le département. Entre 1943 et 1944, 9 000 hectares de terrain avaient été minés. Début 1944, face à l'imminence d'un débarquement, les Allemands demandent à ce que les habitants de Collioure évacuent la ville. Le 2 février 1944, la préfecture des Pyrénées-Orientales demande l'évacuation du littoral sur une largeur de 15 km. De nombreux villages sont vidés. Le 14, elle instaure une "zone réservée" le long du littoral, dispositif renforcé plus tard par les Allemands.

Le 19 août 1944, les Allemands dynamitent la plupart des installations en se retirant devant l'avancée des troupes venues du débarquement en Provence. À Perpignan, la réserve de munitions est détruite, et avec elle le bâtiment qui servait d'entrepôt : l'ancien couvent des Carmes, dont il ne reste aujourd'hui que les murs. À Port-Vendres, c'est le dépôt de mines marines qui est détruit. Heureusement pour la ville, toutes n'explosèrent pas. Si cela avait été le cas, elle n'existerait peut-être plus. Dans cette même ville, les Allemands couvrirent leurs arrières en faisant sauter les quais afin de compliquer les futurs débarquements alliés.


La libération de Perpignan

Nous sommes fin août 1944. Les Allemands, aidés par les miliciens français, sont concentrés au cœur de la ville et dans les bâtiments officiels. Les maquisards, venus de toute la région, convergent vers Perpignan.

La prise de Perpignan, et par la suite de toute la région, commença au maquis de Sournia, au-dessus de Rabouillet. Il est également parfois appelé "Maquis de Sansa". C'est dans cette zone que s'étaient réunis les résistants locaux, qui voyaient s'approcher le moment d'intervenir. Au début du mois d'août 1944, ils s'étaient fait parachuter des armes dans le maquis, qui équipèrent 150 hommes. Ce groupe reçut l'ordre de marcher sur Perpignan le 18 août 1944. L'insurrection avait déjà commencé à Perpignan, rue Mailly. Vers 15h30, les 150 hommes arrivèrent à Ille-sur-Têt, où on leur apprit que les Allemands étaient partis vers la mer par Rivesaltes. En fin de soirée, vers 18 heures, la colonne arriva aux portes de Perpignan. Ils savaient que 1 500 Allemands stationnaient à Elne. L'objectif des hommes du maquis de Rabouillet était le site des Variétés, qu'ils devaient prendre.

Séparés en trois groupes, ils lancèrent les hostilités et combattirent une partie de la nuit contre les Allemands qui tentaient de prendre la fuite. Au pied du Castillet, un camion allemand prit feu, et des hommes furent tués. Le matin, le major allemand Parthay fut fait prisonnier avec 5 hommes en arme, marquant la fin de l'occupation allemande.

Perpignan est définitivement libéré le 18 août 1944.


La résistance catalane et le maquis Henri Barbusse

Titre de gloire éphémère, la résistance catalane s'est unifiée assez tôt. Dès 1941, l'instituteur René Horte et Abdon Casso, tous deux de Valmanya, avaient mis sur pied un réseau pour faire passer des Belges en Espagne. Mais l'implication grandissante de la population du village fit naître des doutes chez les occupants, qui finirent par démanteler le réseau, provoquant des déportations importantes dans la population.

Pourtant, en juillet 1944, le maquis "Henri Barbusse" s'installe sur le site minier abandonné de La Pinosa, en montagne, à partir duquel les membres lancèrent une opération sur la ville de Prades dans le but à la fois de déstabiliser les Allemands mais aussi d'obtenir des fonds pour poursuivre la lutte.

Le site minier de la Pinosa

Le site minier de la Pinosa

En représaille, les Allemands décidèrent de faire de Valmanya un exemple, afin de marquer les esprits pour tous ceux qui seraient intéressés par rejoindre la résistance. Une colonne de blindés allemands prit la route pour détruire le village et massacrer les habitants, mais les membres du maquis purent freiner leur progression, permettant à la population de fuir. Seules quatre personnes furent prises sur place : Emitièro Barrena, Pierre Baux, José Gimeno et Jacques Romeux, qui furent tués. Le village fut ensuite incendié.

Puis, les Allemands poursuivirent les membres du maquis jusqu'à La Pinosa, où le chef du maquis, Julien Panchot, fut blessé. Ainsi diminué, il fut capturé, puis torturé pendant trois jours avant de mourir. Pendant l'assaut, trois autres maquisards furent eux aussi tués. Pour cet événement, Valmanya a reçu la croix de guerre. La citation qui l'accompagne termine ainsi :

Durement meurtri dans sa chair comme dans ses pierres, le village de Valmanya restera un exemple admirable et douloureux de l'inébranlable fidélité à une patrie dont il a bien mérité.

Il est également impossible de parler de la résistance catalane sans évoquer l'histoire de Louis Torcatis, originaire de Pia, dont une biographie est disponible sur ce site.


Ainsi s'achève l'histoire du Roussillon, qui commença au moment de la formation géologique de la plaine du même nom et se termine sur les flancs du Canigou, en plein maquis.


Aiguat de 1940

En 1940, et plus exactement entre le 16 et le 18 octobre 1940, les Pyrénées-Orientales subirent un violent événement climatique, une pluie continue particulièrement longue et forte, en particulier sur le massif du Canigou. De grosses inondations eurent lieu un peu partout, la plaine du Roussillon fut partiellement ravagée. Mais les plus gros dégâts furent dans le Vallespir.

C'est précisément au lieu-dit "La Baillanouse", sur le territoire de Prats-de-Mollo, qu'un glissement de terrain provoqua l'effondrement d'une partie de la montagne dans le lit du Tech. Or, le Tech est réputé pour être une rivière torrentielle. Avec les pluies continues, une retenue d'eau se forma en amont du barrage. Lorsqu'elle fut suffisamment remplie, elle fit céder le barrage et c'est un véritable mur d'eau qui dévala la vallée, emportant tout sur son passage. Les conséquences furent désastreuses : de grosses inondations embarquèrent hommes, bétail et matériel, les dégâts furent considérables. On dénombra 42 morts dans le Vallespir, 200 sur toute la Catalogne. Amélie-les-Bains, Arles-les-Bains et Le Tech sont les villages les plus touchés, avec de nombreuses maisons détruites, des ponts, des routes et des voies ferrées emportés, etc. Le souvenir de ce désastre est encore bien vivant dans le mémoire de nombreux anciens.


22 juillet 1970 : Une explosion dans une usine de gaz de Perpignan fait 2 morts et 49 blessés.

C'est un épisode tragique qui s'est déroulé dans le quartier Saint-Martin, à la limite du quartier Mailloles, ce 22 juillet 1970. De nos jours, l'endroit est un centre commercial au sud de Perpignan. Quelques commerces sont installés sur le site, qui ne laisse aujourd'hui pas imaginer qu'il fut autrefois le lieu d'implantation d'une impressionnante usine de stockage de gaz pour la ville.

Explosion de gaz à Perpignan en juillet 1970

Explosion de gaz à Perpignan en juillet 1970

L'histoire commence en 1844, lorsque la municipalité de Perpignan décide de remplacer l'éclairage public à base d'huile par du gaz naturel. Plus pratique et plus moderne, le gaz naturel nécessitait quelques aménagements importants dans l'urbanisme de la ville, dont la construction d'usines de stockage et l'établissement de conduites, qui étaient particulièrement visibles. Une première usine de stockage fut construite au bout de l'actuelle rue Cabrit, près de l'avenue de Grande-Bretagne. C'est pour y accéder qu'on fit percer la rue Lulli, baptisée ainsi depuis 1931. Avant, elle était connue sous l'appellation "Chemin du gaz". Ce dépôt initial, qui avait trois cuves, fut déplacé en 1917 près de la briqueterie Chefdebien, entre Saint-Martin et Mailloles. C'est ici que se déroula cette histoire qui marqua les Perpignanais pour longtemps.

Nous sommes donc le 22 juillet 1970, dans l'usine de stockage de Saint-Martin. Ce jour-là, une opération banale de transvasement de gaz d'une citerne de 45 tonnes installée sur un wagon (il y avait des voies de chemin de fer à cette époque) vers une cuve a lieu. Les ouvriers d'EDF-GDF aperçurent alors un flexible se rompre et projeter des fines gouttelettes de gaz dans l'atmosphère. Évidemment, ce mélange de gouttelettes et d'oxygène était très inflammable, et le débit, estimé ultérieurement à 8 kg de gaz par seconde, était de nature à provoquer un accident grave. Les secouristes furent aussitôt appelés, les pompiers arrivèrent également, et un cordon de sécurité fut établi.

L'étincelle arriva par un malheureux coup du destin, comme souvent : c'est au moment de l'accident qu'une locomotive de Chefdebien passa. Le diesel qui alimentait son moteur s'enflamma à cause du gaz répandu, et ce fut l'embrasement. La locomotive fut abandonnée par les deux cheminots, qui durent traverser une partie du gaz enflammé. Ils décédèrent malheureusement dans l'accident. Peu après, alors que les secours s'organisaient, la citerne du wagon explosa sous l'effet de la chaleur. Deux pompiers furent soufflés par l'explosion. Grièvement brûlés, ils furent pris en charge par les secouristes, qui les transportèrent à l'hôpital pour grands brûlés de Montpellier, où ils furent soignés. Le paysage de Perpignan évolua alors : une colonne de fumée s'éleva verticalement à 200 m d'altitude, puisqu'il faisait un jour sans vent, et elle était visible à 20 km à la ronde. Mais un problème grave apparut : le site possédait de nombreuses citernes de gaz qui risquaient d'exploser à leur tour si l'on ne parvenait pas à circonscrire le feu rapidement. Et on ne rigolait pas à ce moment : on parle de deux réservoirs de 100 m³, deux sphères de 500 m³, un réservoir de 4000 m³ et un super-réservoir de 10 000 m³ !

Deux gazomètres s'enflammèrent, provoquant un geyser de flammes sortant de leurs soupapes. Les pompiers s'activèrent et parvinrent à refroidir les citernes suffisamment pour éviter qu'elles n'explosent. Pendant ce temps, leurs collègues réussirent à éteindre un gazomètre, puis l'autre, et les différents foyers d'incendie furent circonscrits. Un cordon de sécurité encore plus grand fut mis en place. Les 400 m autour de l'usine furent complètement évacués, y compris la maison de retraite et les résidences de Saint-Martin.

Alors qu'au journal de 13 h on annonçait aucune mort et 25 blessés, la fin de la journée verra un bilan plus lourd être annoncé : 2 morts, 49 blessés dont 4 grièvement. 23 d'entre eux étaient de simples passants, victimes de l'explosion. Cette explosion a fait de nombreux dégâts dans le quartier : les vitres furent soufflées, les infrastructures légères détruites, et même les vitraux de l'église de Bon-Secours furent réduits en miettes !



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