Histoire
Le territoire de Bouleternère est riche de vestiges attestant la présence de nos lointains ancêtres préhistoriques. Deux dolmens existent à Bouleternère, le premier à l'est de la ville (dolmen des Rières), l'autre au sud (dolmen du col de la Llosa), à l'intersection entre Bouleternère, Casefabre et Saint-Michel-de-Llotes.
L'histoire proprement dite de ce bourg, monté comme les autres autour d'une église citée en 1142, commence réellement sous les Rois de Majorque (1276-1344). L'église paroissiale était dédiée à Saint Sulpice. D'origine romane, elle fut remplacée par une seconde construite au XVIIe siècle en utilisant un mur de l'église initiale. Elle avait un plan rectangulaire sous voûte en arc brisé.
Le village était protégé par un château qui apparaît au Xe siècle. Il avait été acheté par le bailli du village, Arnaud Buffard, en 1276 (qui resta bailli jusqu'en 1311) à son seigneur, le comte Hugues de Pallars. Un château à l'époque était essentiellement une tour fortifiée qui servit plus tard de clocher d'église. Le bailli revendit le château à Jacques Ier de Majorque, et c'est ainsi que Bouleternère devint une citadelle royale.
Les rois successifs marquèrent le royaume par une foule d'aménagements dans les plus petits villages. Bouleternère vit ainsi se créer une grande route qui le traverse de part en part, sur le modèle d'une antique voie romaine, la Via Confluentana (voir le dossier sur l'Antiquité en Roussillon). Les rues furent redessinées et les routes améliorées. Le village se dota également d'un réseau d'eau grâce à la création d'un canal d'alimentation en pierre, suivant le tracé de l'ancien ruisseau mentionné dès 1052. Les restes de ce canal sont toujours visibles de nos jours.
Jacques Ier de Majorque concéda les droits de haute justice à Pierre de Fenouillet. Lorsque le roi mourut, c'est son fils Sanche Ier qui le récupéra, mais le 28 octobre 1314, il le céda à Pierre de Fenouillet, devenu vicomte de Fenouillet et d'Ille. Bouleternère passa ensuite à son fils Pierre (mort en 1353), puis à André, à Pierre, puis enfin à Galcerand de Pinos.
Plus tard, la ville fut fortifiée, un mur d'enceinte assurant aux villageois la tranquillité. Ce mur était flanqué de sept tours rondes implantées régulièrement, et les poternes étaient défendues par des fortins massifs. Au cœur du village fut construit une cellera, petit donjon capable d'accueillir la population. Le village s'agrandissant, des constructions furent bâties à l'extérieur de l'enceinte. Un hospice fut même créé durant le XIVe siècle, exactement en 1320, dans ce qui est aujourd'hui la rue Prosper Mérimée (cet hôpital sera définitivement détruit en 1950). À cette époque, la ville dépendait de la viguerie du Conflent, dont les seigneurs étaient les mêmes que ceux de la ville d'Ille-sur-Têt, ce qui a uni les deux villes.
En 1359, on comptait 36 feux à Bouleternère (Prades en comptait 32, Castelnou 38 et Ille 143) (1 feu = environ 6 à 7 personnes). Revenons à présent au dernier possesseur de Bouleternère, Galcerand de Pinos. Au XVe siècle, le roi de France Louis XI est maître du Roussillon. Ce dernier propose certaines de ses terres contre celles de Galcerand, mais celui-ci refuse. Il est alors destitué au profit de Gaston de Lyon, sénéchal de Saintonge, qui prendra possession du fief le 24 octobre 1464. Puis Bouleternère passera successivement à Pierre de Rocaberti en 1473 et à Guillaume de Caramany en 1485.
Durant le XVe siècle, la population du village ne cessa d'augmenter, ce qui lui permit d'obtenir l'appellation de "bourg" et donc d'avoir des représentants aux Corts. Peu de temps après, la vicomté de Fenouillet fut récupérée par les descendants de Galcerand de Pinos, Pierre de Castro, et Bouleternère, qui en faisait partie, le fut également. Pierre la transmit à son fils Philippe de Castro, mais celui-ci décéda sans enfant. Sa sœur Marguerite de Castro, qui avait épousé François de Moncada, hérita de la vicomté et lui transmit en dot, mais son mari mourut en 1635. En 1542, un fait historique marqua le village. Alors que le Roussillon était en pleine guerre contre l'armée du dauphin de France, futur Louis XII, la ville opposa une résistance héroïque. Le dauphin parvint tout de même à s'en emparer et saccagea le village, tuant les trois consuls et la plupart des habitants. De retour en Espagne plus tard, Philippe II d'Espagne reconnut à sa juste valeur les mérites de la ville et fit entreprendre sa reconstruction, commençant par les maisons, puis les murailles, et enfin l'église, achevée en 1659.
Sa construction eut lieu grâce à la volonté de la famille Pontich, dont l'un des membres, Francesc, prêtre de Bouleternère, a été anobli par Philippe IV en 1639, mais elle coûta tant au village qu'il fut ruiné, ce fut le début de son déclin. Un emprunt dut même être fait le 4 février 1654. Son fils Guillaume-Raymond devint alors vicomte d'Ille jusqu'en 1642, année où Louis XIII, maître du Roussillon, donna la vicomté à Joseph d'Ardena, comte de Darnius (1642-1659). Guillaume-Raymond put la retrouver en 1659 au traité des Pyrénées, mais à sa mort en 1670, c'est de nouveau Joseph d'Ardena qui en devint possesseur durant la guerre de Hollande (1674-1678). À la fin de la guerre, le fils de Guillaume-Raymond obtint la vicomté et Bouleternère avec, puis son petit-fils qui n'eut qu'une fille, Thérèse. Celle-ci se maria avec Luis de Média-Coéli, qui conserva la vicomté jusqu'à la Révolution.
Il faut noter pour finir que sur le territoire de l'actuel Bouleternère se trouve la chapelle Saint-Nazaire, récemment rénovée, qui était le centre d'un autre village à présent disparu, appelé Barbadell, ainsi qu'une carrière de marbre exploitée aux XVIIe et XVIIIe siècles.