Histoire
Historiquement, Railleu est lié à trois autres villages : Ayguatébia, Sansa et Caudiès-de-Conflent. Le village apparaît au XIIIe siècle comme une possession de Xatbert de Barbaryan et Raymond d’Urg, deux chevaliers ayant épousé respectivement Sybille de Paracolls et Esclarmonde de Conat. À la mort des deux hommes, Railleu fut intégré au domaine royal. Le 1er mars 1305, le bénéficiaire de Raymond d’Urg céda sa part du château de Railleu pour la somme de 40 000 sols.
Une part des dîmes de Railleu fut détachée du fief principal et resta séparée au-delà du XIVe siècle. Le 21 décembre 1232, Bernard d’Orle inféoda le tiers de la dîme d’Areleu et de Bordull pour 700 sols, au profit du seigneur de Conat. (Bordull était un hameau situé à l’est de Railleu, dépendant principalement d’Oreilla.)
La fragmentation des dîmes favorisa l’émergence de deux familles locales influentes dès le XIIIe siècle, dont plusieurs figures se distinguèrent :
- Arnald de Bordull, auteur de fondations pieuses en 1263 ;
- Pierre de Bordull, procureur du roi en 1313 ;
- Bérenger d’Areleu, consul de Villefranche en 1299.
Le 18 septembre 1341, le roi de Majorque octroya au vicomte d’Évol l’usage viager de tous les revenus de Railleu. Deux ans plus tard, le 4 janvier 1343, il lui céda également les droits sur le château, ses propriétés et les fiefs rattachés. Cette possession fut reconnue en 1351, mais de courte durée. Le 11 mars 1364, Pierre Blan, de Perpignan, fit officiellement reconnaître sa possession du château et des droits de justice haute et basse sur le lieu.
Par la suite, le fief passa à la branche aînée de la famille d’Oms et fut définitivement intégré à la baronnie de Sahorre. Le 2 novembre 1619, Bérenger d’Oms prêta serment de fidélité au procureur du roi pour son château de Railleu. À cette époque, un conflit opposa la famille d’Oms aux habitants du village, qui soutenaient que Dona Maria d’Eril, veuve d’Antoine de Peyrepertuse (baron de Joch et de Jalida), avait inféodé le château à douze habitants de Formiguères, leurs ancêtres, pour 600 livres. Cette donation leur aurait permis d’y construire des maisons et de se partager les terres alentour.
Dans sa volonté d’affirmer son autorité, Oms inféoda de nombreux alleux. Toutefois, les troubles liés aux incursions protestantes dans le Conflent favorisèrent un esprit d’indépendance chez les habitants, qui se tournèrent de plus en plus vers les descendants des douze familles de Formiguères plutôt que vers leur seigneur.
En 1696, le procureur juridictionnel tenta de rétablir les droits de la famille d’Oms. Une enquête fut confiée à Henri Paillès, docteur en droit, qui ne reconnut pas l’authenticité de la donation de 1592. Les habitants furent condamnés à payer 500 livres de dommages et intérêts et à reconnaître la famille d’Oms comme unique seigneur.
Après le traité des Pyrénées (1659), la famille d’Oms resta en Espagne. Leurs terres furent confisquées en 1652, rendues en 1660, à nouveau saisies en 1678, puis rendues la même année. En 1680, un procès mené par le procureur royal déposséda définitivement Raymond d’Oms. Le 28 février 1682, Railleu fut rattaché au domaine royal et confié au sieur d’Arbon, seigneur de Montbel, qui ordonna la vente de tous les biens de Raymond d’Oms situés au-delà des Pyrénées. Le 16 février 1686, André d’Oriola, de Perpignan, en prit possession, et le 7 octobre, le domaine fut adjugé au sieur de Boisambert pour 20 000 livres.
Tous les revenus de la seigneurie (dîmes, censives, banalités, droits de lods) furent affermés en 1689 pour 80 doubles de 11 livres, soit 880 francs. Le fief avait été évalué à 22 000 livres.
Don Clément de Bois, chevalier domicilié à Perpignan, seigneur de Boisambert, de Pleizis, de Claira, de Saint-Laurent-de-la-Salanque, de Fuilla, de Sahorre et d’autres lieux, prit possession de Railleu le 20 mai 1687. La cérémonie se déroula en présence du batlle, des consuls et de la population. Il fit preuve de bienveillance en laissant les habitants continuer à vivre comme auparavant.
Le château était déjà en ruine à cette époque. Le village, incendié par les Français en 1550, se situait alors à 500 mètres du château. Après cet épisode, les nouvelles maisons furent construites à proximité des ruines pour profiter d’une protection symbolique, mais cela éloignait les habitants de l’église. Ils demandèrent alors au nouveau seigneur la cession des murs et de l’enclos du château afin d’y construire une chapelle. Il leur accorda ce droit gratuitement. La chapelle fut effectivement construite, mais la population était trop faible pour en faire une paroisse. Elle resta donc une dépendance de Sansa.
De l’ancienne église, il ne subsiste qu’un mur en ruine. Le site, situé à l’ouest du village, est désigné sous le nom de « l’église vieille » sur les cartes. C’est ainsi que, au XVIIe siècle, le village de Railleu se déplaça de 500 mètres pour se regrouper autour de la nouvelle église dédiée à Saint Julien. Cette dernière abrite un retable de 1687 financé par 35 familles du village.