Château de Salses

Probablement le château le plus emblématique et connu du Roussillon

Inutile de bien connaître la région pour reconnaître le château de Salses ! S'il y a bien un château connu par ici, c'est celui-ci. C'est le seul exemple d'architecture espagnole sur le territoire français, un héritage de l'époque où le Roussillon a souvent été conquis, que ce soit par un camp ou un autre !

Inutile de bien connaître la région pour reconnaître le château de Salses ! S'il y a bien un château connu par ici, c'est celui-ci. C'est le seul exemple d'architecture espagnole sur le territoire français, un héritage de l'époque où le Roussillon a souvent été conquis, que ce soit par un camp ou un autre !


De quoi s'agit-il ?

La forteresse de Salses est un magnifique château des XVe et XVIe siècles, situé au nord de Perpignan. Seul exemple d'architecture espagnole sur le territoire français, elle illustre parfaitement l'évolution des techniques militaires de son époque, avec l'apparition de l'artillerie à boulets métalliques. Parfaitement conservée, elle constitue un très bel exemple du patrimoine militaire roussillonnais.


Les raisons de sa construction

La construction de Salses répond à une raison historique évidente. À la fin du XVe siècle, le Roussillon appartenait au comté de Catalogne, un territoire puissant sur la Méditerranée, dont la mainmise catalane s'étendait sur les côtes et les îles. Divers royaumes, comme celui de Sicile, étaient placés sous la tutelle de Barcelone. Sur la frontière nord du comté se trouvait la France, un voisin et rival qui avait déjà tenté de s’emparer du Roussillon quelques siècles auparavant.

La fusion entre le royaume d'Aragon (le royaume officiel du comté de Catalogne) et la Castille, à la fin du XVe siècle, forma la base de la future Espagne. La frontière nord devenait ainsi franco-espagnole, d'une importance stratégique majeure. Pour la protéger, il fut décidé de construire une forteresse moderne, capable de résister aux nouvelles armes, notamment aux boulets métalliques.


Une position stratégique évidente

Le choix de l'emplacement de la forteresse de Salses fut stratégique. Le nord du Roussillon est composé de moyennes collines calcaires, les Corbières, qui constituent une barrière naturelle pour une armée lourdement équipée : fantassins et cavaliers peuvent les franchir, mais pas les canons ni les chariots d’intendance. Le chemin naturel restait donc de suivre la côte. La forteresse fut érigée à la sortie de ce passage, permettant de contrôler la totalité de la plaine du Roussillon. Ainsi, en une seule place-forte, il était possible de défendre tout le territoire.


Architecture du château

Le château de Salses présente une architecture relativement simple mais extrêmement fonctionnelle pour son époque. Il s'agit d'un fort de forme rectangulaire, mesurant 115 mètres de long sur 90 mètres de large, avec une tour cylindrique à chaque angle. Les murs, d'une épaisseur de 10 à 12 mètres, sont entourés d'une galerie d'escarpe jouant à la fois le rôle de galerie d'écoute et de galerie de contre-mine, comme expliqué ci-dessous. L'intérieur est divisé en deux parties distinctes : l'Est, plus vaste, centrée autour d'une grande place d'armes, et l'Ouest, dominé par la tour-donjon.

La partie Est illustre la vie quotidienne du fort. La place d'armes, destinée aux rassemblements militaires mais aussi aux activités variées, possédait (et possède toujours) un puits central, un détail important car il s'agissait de la première fois qu’on pensait à la problématique de l’eau dans la construction d’une forteresse. Plusieurs salles entourent la place, dont les plus grandes étaient des écuries. Salses pouvait accueillir 300 chevaux répartis dans trois écuries : Sud, Est et Nord. Au-dessus de l'écurie Nord se trouvaient les logements de la garnison, capable d’héberger 1000 à 1200 soldats. Une chapelle se trouvait à l'angle Nord-Est. La partie Est était séparée de l’Ouest par un large fossé traversé par un pont-levis et des bâtiments élevés.

La partie Ouest est dominée par la tour-donjon, appelée "tour de l'hommage", appellation que l'on retrouve dans d'autres monuments de l'époque, comme au Palais des rois de Majorque à Perpignan. Elle comporte une cour intérieure, la "cour du réduit", entourée de diverses salles : une boulangerie (stratégique à l’époque), une infirmerie, la chambre des vannes, la laiterie et l'étable. Le donjon accueillait également les logements des officiers et les bureaux administratifs, disposant de sa propre petite cour. La cour du réduit est dominée par plusieurs plates-formes d’où les défenseurs pouvaient faire feu sur l’ennemi.

Une des principales curiosités du château est le réseau de couloirs creusés dans l'épaisseur des murailles. Ces dernières forment un véritable "gruyère" : de longs couloirs étroits et bassement voûtés serpentent à l'intérieur jusqu'à la galerie d'escarpe, située juste de l'autre côté du fossé. Toutes ces galeries étaient percées de meurtrières permettant de contrôler les couloirs et de tirer sur un ennemi ayant pénétré le château. Les meurtrières donnant sur l'extérieur, vers le fossé, sont désormais condamnées : après l'attaque de 1503, un talus a été monté au fond du fossé pour empêcher les dégâts causés par les mines, bouchant ainsi les meurtrières et les poternes des tours d’angle. La galerie d'escarpe, quant à elle, suit sans interruption toute la longueur du château, sur les quatre murs et les quatre tours d’angle.


Plan du château de Salses

Plan du château de Salses

Légende

1 : Premier pont-levis

2 : Première barbacane

3 : Seconde barbacane

4 : Barbacane Nord-Ouest

5 : Barbacane Est

6 : Second pont-levis et entrée

7 : Place d'armes

8 : Logement de la garnison

9 : Magasin

10 : Ecuries

11 : Tour circulaire d'artillerie (une par angle)

12 : Caponnières

13 : Fossé Sud

14 : Fossé Ouest

15 : Fossé Nord

16 : Fossé Est

17 : Galerie de contre-escarpe Ouest

18 : Galerie de contre-escarpe Nord

19 : Donjon


Un château d'artillerie

Le château de Salses était avant tout une fortification conçue pour l'artillerie. Il était équipé de 24 canons, de tailles moyennes et grandes, disposés sur les tours d'angle (pour les moyens) et sur les trois bastions avancés (pour les grands). Les canons étaient installés sur les toits plats, initialement protégés par des créneaux de style médiéval, rapidement remplacés par des murs percés d’ouvertures à canon, permettant de modifier l’angle de tir.

La position élevée des tours n’offrait qu’un avantage limité, dominant le glacis de seulement 9 mètres. Chaque tour comportait un conduit central reliant le sol au sommet, servant à la communication acoustique et à l’évacuation de la poudre. Les deux tours d’angle Sud avaient trois niveaux et mesuraient 18 mètres de hauteur, tandis que les deux tours Nord avaient quatre niveaux et atteignaient 21 mètres. Chaque niveau du château était indépendant et construit par couches, plutôt que sur la base de quatre tours verticales reliées par des murs.

La forteresse comporte trois édifices défensifs originaux, sortes de postes avancés très proches du château, reliés par des caponnières traversant le fossé. Ils prennent la forme de tours semi-circulaires dont le côté courbe fait face à l’ennemi. Ces édifices, sur deux étages et de hauteur similaire à la galerie de contre-escarpe, étaient dotés de plates-formes d’artillerie comparables à celles des tours d’angle. Ces éléments, armés d’une partie importante de la puissance de feu du fort, avaient pour rôle d’empêcher l’ennemi d’installer ses propres canons.

Autrefois accessibles librement, ces tours le sont désormais moins : la tour Nord, la plus facile d’accès, possédait une grille installée en retrait à l’intérieur de la première galerie, permettant de pénétrer assez profondément dans l’édifice. La tour Est était plus difficile d’accès, mais son premier étage abritait une vaste pièce percée d’un grand trou central. Ces conditions expliquent pourquoi elles sont aujourd’hui condamnées.

La troisième tour, située au Sud, est moins originale. Elle est séparée du château par un double pont-levis, côté Est, et dirige vers un petit bastion servant de barbacane, c’est-à-dire l’entrée principale du château. Aujourd’hui, elle accueille la billetterie. L’association du double pont-levis, de la barbacane et de la succession de fortifications fait du château de Salses une citadelle extrêmement difficile à prendre.


Une construction moderne

Le château de Salses était une construction moderne pour son époque, conçue en tenant compte des évolutions récentes des techniques militaires, notamment l’invention du boulet en métal.

Le canon existait déjà depuis un certain temps, mais ses boulets en pierre se brisaient sur les murailles, ralentissant la progression des assaillants. L’arrivée des boulets métalliques changea la donne : ils infligeaient des dégâts rapides, les pierres des murs cédant facilement. Pour contrer ces nouvelles menaces, les constructeurs du château de Salses mirent en œuvre plusieurs stratégies défensives.

Premièrement, les murailles furent conçues avec une forme arrondie, ce qui favorise le ricochet des boulets plutôt que leur impact direct. Le sommet des murs fut construit en brique, matériau ancien mais efficace contre les boulets métalliques. La brique absorbe le choc et s’effrite lentement, produisant de la poussière plutôt que des éclats tranchants, contrairement à la pierre. Enfin, la forteresse fut partiellement enterrée, ce qui réduit la surface exposée aux tirs et limite les impacts. Cependant, ce choix avait pour contrepartie une domination limitée : les tours ne surplombent le glacis que de 9 mètres.

Une autre particularité du château est son implantation dans une dépression naturelle, creusée pour accueillir la forteresse. Il se trouve ainsi au centre d’un fossé large de 12 à 15 mètres et profond d’une dizaine de mètres, bordé par un glacis offrant une visibilité sur l’ennemi. Les assaillants devaient descendre dans ce fossé, où un double tir de défense les attendait. Les fossés étaient équipés de galeries d’escarpe et de contre-escarpe, reliées par des caponnières. La galerie d’escarpe est un couloir étroit, bas et voûté, courant à l’intérieur du rempart, percé de nombreuses meurtrières donnant sur le fossé. La galerie de contre-escarpe, de l’autre côté du fossé, est encore plus longue. Les caponnières sont des tunnels reliant les deux galeries, également percés de meurtrières. La galerie d’escarpe servait aussi de galerie de contre-mines : si l’ennemi faisait exploser une mine sous la muraille, c’était la galerie qui était endommagée, et non le mur lui-même.

Cette configuration limitait les risques : si les ennemis parvenaient à pénétrer dans la galerie, ils devaient progresser lentement dans un couloir étroit et bas, tout en restant sous le feu des meurtrières disposées à l’intérieur de la galerie d’escarpe, ce qui contenait efficacement l’invasion.


Un fossé non inondable

Il est important de préciser que le fossé du château de Salses n’a jamais été conçu comme une douve inondable. La seule fois où il s’est rempli d’eau remonte à 1639, suite à de fortes précipitations, et non par volonté des défenseurs. Pour éviter que le fossé ne se transforme en marécage, une rigole au fond permettait de drainer les eaux loin du château, protégeant ainsi les habitants et les soldats.

À titre de comparaison, la Tour de Londres, célèbre citadelle de la capitale britannique, a connu de nombreux décès au milieu du XIXe siècle à cause des maladies engendrées par ses douves d’eau stagnante.


Un avis personnel sur le château de Salses...

La visite du château de Salses offre une impression particulière. On se trouve bien devant un château ancien, mais il n’est pas médiéval au sens classique puisqu’il date du début du XVe siècle, et il ne ressemble pas non plus aux châteaux de la Renaissance qui apparaîtront en France quelques décennies plus tard. Son architecture originale, hybride entre styles espagnol et nord-européen, surprend le visiteur, et on se rend compte, en s’approchant, de sa véritable masse. La construction partiellement enterrée renforce d’ailleurs cette impression de puissance.

Cette forteresse constitue une belle découverte pour quiconque prend le temps de la visiter. Elle ravira les enfants tout en offrant aux adultes des clés pour comprendre l’histoire de la région. De plus, le château est facilement accessible et la visite reste abordable. À découvrir sans hésitation.


Histoire

L’histoire du fort de Salses commence en 1497, soit quatre ans après que le roi de France Charles VIII eut restitué le Roussillon au roi d’Espagne, Ferdinand V le Catholique. Ce dernier souhaitait verrouiller l’étroit passage entre les derniers contreforts des Corbières et les étangs, alors infranchissables, constituant la seule voie d’accès à la région par le Nord. La construction de la citadelle fut confiée à Francisco Ramiro Lopez, Aragonais d’origine, qui participa plus tard à l’édification partielle de la citadelle de Collioure.

Six ans après le début des travaux, alors que le fort n’était pas achevé, la citadelle dut résister aux assauts de l’armée française. Au cours de ce siège eut lieu l’explosion de la première mine de guerre ayant réussi, faisant plusieurs centaines de victimes.

En 1538, alors que le fort était enfin terminé, Salses eut l’honneur de recevoir la visite de Charles Quint en personne. Durant le siècle suivant, il subit de nombreuses attaques tout en remplissant efficacement son rôle de défenseur des frontières nord. Le 20 juillet 1639, après 40 jours de résistance, il tomba aux mains des troupes françaises commandées par Henry II de Bourbon et le maréchal Schomberg. L’histoire retient qu’après cette chute, les troupes françaises ne purent poursuivre leurs offensives, permettant au fort de jouer une dernière fois son rôle de surveillance.

Immédiatement après sa prise, les Français furent assiégés du 1er septembre 1639 au 6 janvier 1640. Plusieurs régiments français enfermés dans le fort opposèrent une résistance acharnée aux troupes espagnoles désireuses de récupérer leurs possessions. Ce n’est que la famine qui força l’ouverture des portes aux assiégeants.

À partir de cette époque, le fort de Salses connut de nombreuses menaces de destruction. En 1718, sa démolition fut envisagée, mais abandonnée. La même idée réapparut en 1726, puis à nouveau en 1793, lorsqu’il abritait encore une garnison jusqu’en 1804. Sauvé de justesse, le scénario se reproduisit en 1833. L’abandon final de ces projets permit de conserver le fort jusqu’à nos jours.

Situation et accès

C'est à Salses, petit village du nord du Roussillon, que se dresse le plus bel exemple d'architecture militaire dite "de transition". Pour y aller, il faut suivre les panneaux lorsqu'on est en ville. Ils vous feront contourner une partie du centre pour aborder le château par le nord-est. Sur place, il y a un petit parking, rarement plein. Et même si c'était le cas, il y a une foule de places le long de la route, pas de panique.

Pour aller à Salses, c'est très simple : la ville se trouve le long de la route de Narbonne, c'est la plus septentrionale des Pyrénées-Orientales.



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