Histoire
La seigneurie de Montferrer fut créée, comme toutes les autres, durant le IXe siècle sous les Carolingiens. Le château qui s’y dressait était nommé « Château de Mollet » (en 1088) et appartenait aux seigneurs de Castelnou. Il fédéra les habitants de la vallée autour de lui, formant l’embryon du village. Il se situait alors un peu plus au nord, sur la colline qui surplombe l’actuel village. Le château a aujourd’hui disparu, mais les pierres ayant servi à sa construction furent réutilisées pour édifier les maisons du village. Il subsiste toutefois, au sommet de la colline, les vestiges des maisons attenantes au château.
Les premiers seigneurs de Montferrer connus furent Guillaume-Arnaud de Montferrer, évêque d’Urgell entre 1092 et 1095, puis Pierre de Montferrer, vivant en 1215, et enfin Arnaud de Montferrer, chanoine prêcheur d’Elne entre 1233 et 1242. Au XIIe siècle, une église fut construite. De style roman, elle est aujourd’hui parfaitement conservée. À partir de ce moment-là, les maisons s’agglutinèrent autour de cette église, formant le village définitif. Le chevalier Bernard de Montferrer fut seigneur du lieu. Il fonda par ailleurs un bénéfice dans l’église de Thuir en 1273. Le 1er juin 1313, le roi d’Aragon Sanche Ier confirma au seigneur de Castelnou les droits de justice sur Montferrer, preuve qu’il possédait toujours ce hameau.
L’église du village a d’ailleurs le privilège d’abriter le sarcophage de Dalmace de Castelnou, l’un de ces seigneurs, ainsi que ceux de sa femme Béatrice et de leur fils Pierre. C’est dire l’importance de ce petit village à l’époque médiévale. La seigneurie fut ensuite héritée par Bérenger, fils de Dalmau. Celui-ci mourut en 1373, et elle fut alors achetée par un chevalier, Perpenya Blan. Son fils, Pierre Blan, en hérita à son tour. Il eut une fille, Éléonore, qui épousa Jean de Pontos. Montferrer passa alors entre les mains de la famille Pontos. Pour peu de temps, car leur fille Catherine la reçut en dot lors de son mariage avec Jehan III de Banyuls, qui prit le nom de Banyuls de Montferrer. Voyez à ce sujet l’arbre généalogique de la famille de Montferrer pour plus de détails.
Les descendants des Banyuls conservèrent Montferrer jusqu’au 30 décembre 1585. À cette date, Thomas Ier de Montferrer, criblé de dettes, dut vendre la seigneurie à Jean Vilansosan, chirurgien à Barcelone. Mais les habitants de Montferrer préféraient Thomas ; ils se cotisèrent donc pour lui permettre de racheter la seigneurie au fils de Jean Vilansosan, ce qui fut fait le 13 décembre 1610 pour la somme de 3 000 ducats.
Thomas Ier exerçait un commandement militaire et civil à Huesca ; c’est son fils, François III, qui s’occupait des terres. Harcelé par ses créanciers, il dut vendre Montferrer le 12 janvier 1623 à Louise Guanter, veuve d’un notaire de Prats-de-Mollo. Le 8 juin 1642, Louis XIII, roi de France, nomma Thomas II de Montferrer (un descendant) procureur royal des comtés du Roussillon et de Cerdagne. Celui-ci en profita pour racheter la seigneurie de Montferrer à la famille Guanter (juin 1649). À partir de cette date, la seigneurie ne changea plus jamais de mains.
En avril 1675, le roi de France érigea Montferrer en marquisat (voir le texte ci-dessous). Mais le possesseur de la seigneurie, Charles Ier de Banyuls, était alors en fuite en Espagne, car il avait pris la tête de la conspiration de Villefranche contre le roi de France.
Le premier marquis de Montferrer fut donc le frère de Charles, François III.
Titre d'érection de la terre de Montferrer en Marquisat
Ce document est conservé aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales sous la référence B401 F 255-260.
Titre d'érection de la terre de Montferrer en Marquisat en faveur de Thomassine d'Ardenne, épouse de Charles de Banyuls - Avril 1675
Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, Nous présents et à venir salut Nostre chère et aimée La dame Thomassine d'Ardenne et d'Aragon épouse de Charles de Banyuls, Nous a très humblement représenté que les biens du dit Charles de Banyuls son mary, nous ayant esté acquis et confisquez par arrest de Notre Conseil Souverain de Roussillon de Juine 1674 portant condamnation à mort contre luy pour avoir esté un des chefs de la conspiration de Villefranche du dit pays dont il aurait esté atteint et convaincu.
Nous aurions par nos lettres gratuites du mois de janvier 1675 accordé et fait don à ladite dame d'Ardenne de tous et chacuns les biens meubles et immeubles, fiefs, rentes, revenus, cens, dixmes, droicts seigneuriaux et autres quelconques scituez en nostre dit pays du Roussillon qui ont appartenu au dit mary Et d'autant qu'entre les dits biens il y a une terre appelée Montferré qui est belle et d'un revenu considérable pour soutenir un titre d'honneur, la dite dame d'Ardenne et d'Aragon nous a très humblement suppliez de vouloir ériger la dite terre de Montferré en nom, tiltre et dignité de Marquisat et de luy en octroyer et faire expédier Nos lettres nécessaires, A quoy ayons ésgard et désirons pour les mesmes raisons et considérations qui nous ont meus à Luy accorder et faire don des biens de son dit mary la gratiffier Et la traiter favorablement et lui donner des marques de l'estime que nous faisons de sa personne savoir faisons que pour les causes et autres, à ce Nous mouvans et de nostre grâce spéciale pleine puissance et authorité royale, Nous avons par ces présentes signés de nostre main crée, érigé, élevé, créons érigeons et eslevons la dite terre de Montferré, ses appartenances et dépendances en nom, tiltre et dignité et prééminence de Marquisat pour en jouir pour la dame Thomasine d'Ardenne et d'Aragon et ses enfants et descendants en Loyal mariage selon l'ordre de primogéniture avec tels et semblants droits, autoritéz, prérogatives, prééminences en fait de guerre, assemblées de noblesse, et autres advantages dont jouissent et ont accoustumé de jouir et user les autres Marquis de nostre Royaume, Et comme s'ils étaient cy particulièrement exprimez sans qu'arrivant le deffaut des dits enfants masles La dite terre de Montferré (qui en ce cas retournera en sa première nature), soit subjecte à réunion à nous et a nostre Domaine non obstant les esdicts des mois de juillet 1651 et 1656 et aoust 1659 et autres ordonnances et déclarations portans réunion à Nostre Domaine des Duchez, Marquisats, Comtez et autres dignitez à deffault d'héritiers masles Et toutes loix, statuts et restrictions au contraire auquelles ensemble aus dérogatoires des dérogatoires y contenus nous avons dérogé et dérogeons pour ce regard pour ces dites présentes, attendu que sans la dite dérogation.
La dite dame d'Ardenne d'Aragon n'aurait accepté Le dit tiltre et dignité de Marquisat, Voullons et nous plaît que tant en jugement que dehors La dite dame d'Ardenne et d'Aragon et ses enfants et descendants masles se puissent dire et qualiffier Marquis de Montferré et que tous les vassaux et autres tenants et relevants de la dite terre leur fassent à l'advenir leurs hommages et baillent leurs adveus et denombrements et déclarations au dit tiltre de Marquisat sans pour ce estre obligez à d'autres plus grandes charges et debvoirs que ceux qu'ils doibvent à présent et sans aussy que la dite terre de Montferré puisse estre désunie et séparée par la dite dame d'Ardenne et d'Aragon et ses dits enfants et descendants masles pour faire que partie du dit Marquisat désuny relevast d'icelluy Marquisat, ains au dit cas de désunion voullons et entendons qu'à l'instant les choses désunies et séparées demeurent immédiatement mouvantes de seigneurs dont elles ressortent, ou elles avoient accoustumé avant la présente érection.
Voullant aussy que si Le dit Marquisat venoit à tomber és mains de quelques personnes qui fissent profession de la Religion prétendus réformée, il n'y soit fait aucun presche ny exercice public de la dite religion, à peine de nullité des présentes, Et donnons en mandement à nos amez et féaux les gens tenants nostre Conseil Souverain de Roussillon et à tous autres nos justiciers et officiers qu'il appartiendra que ces présentes nos lettres d'érection, de création et de concession Ils fassent lire, publier et registrer Et du contenu en icelles jouir et user la dite dame d'Ardenne et d'Aragon et ses enfants et descendants masles en loyal mariage pleinement paisible, et perpétuellement non obstant Les dits édicts, déclarations, ordonnances et autres choses à ce contraire auxquelles nous avons dérogé et dérogeons pour ce regard seulement par ces dites présentes et sans tirer à conséquence. Car tel est nostre plaisir Et affin que ce soit chose ferme et stable a toujours, Nous avons faict mestre nostre séel à ces dites présentes, sauf autre chose nostre droict et l'Autruy en toutes. Donné à Versailles au mois d'avril 1675 de nostre règne le trente-deuxième.
Louis