C'est à la fin du VIIIe siècle que Charlemagne étend son empire vers le Sud, chassant les Sarrasins restés en Septimanie. Le siècle suivant, marqué par les nombreuses incursions des deux camps, voit la victoire des Francs et la création des comtés et évêchés, deux piliers pour l'installation des premiers chrétiens.
Les Francs conquièrent la Septimanie
Depuis 1662, une nouvelle frontière entre la France et l'Espagne est reconnue entre les deux pays. Le roi de France décide alors d'imposer aux Catalans du Nord le même régime qu'il applique à toute la population française.
Repoussés par Charles Martel en 739, les Sarrasins se sont implantés sur l'actuelle Espagne, augmentée de la Septimanie, la bande littorale reliant les Pyrénées à la Camargue. Pris dans cette région, le Roussillon est sous contrôle des Arabes, qui n'exploitent pas vraiment leur nouveau territoire.
C'est en 751 que le roi des Francs Pépin le Bref, fils de Charles Martel, prit le pouvoir sur les Francs. Il décida cette année-là de prendre la Septimanie par la force et lança une vaste campagne militaire à cet effet.
L'armée ainsi constituée mit quatre années à conquérir la région. Les Sarrasins furent repoussés de l'autre côté des Pyrénées et, en 755, on put enfin fêter la victoire. Il ne restait plus qu'à conquérir la ville de Narbonne, capitale de la Septimanie arabe.
La libération de la région provoqua tout naturellement un exode : les populations wisigothiques, donc chrétiennes, qui vivaient encore dans le royaume arabe d'Espagne se déplacèrent vers le Nord, pour rejoindre un peuple certes autrefois ennemi (Francs et Wisigoths s'étaient affrontés pour l'Aquitaine trois siècles auparavant), mais avant tout chrétien.
Il faut savoir que les conditions de vie des chrétiens sous l'occupation sarrasine étaient tout à fait correctes. Il existait de nombreuses églises et même une cathédrale à Ausonne, siège d'un évêché. Ils étaient intégrés à la vie quotidienne des musulmans, dont ils partageaient la culture. Leur seule vraie raison d'inquiétude était le risque de devenir des otages du fanatisme, en particulier pendant les batailles contre les Francs, ce qui était courant.
Ainsi, les premiers émigrants s'implantèrent en Septimanie et rencontrèrent les habitants des montagnes, qui en descendirent pour trouver des conditions de vie plus faciles. Là aussi, les montagnards avaient survécu aux Sarrasins, ces derniers ne s'aventurant pas dans ces régions.
L'armée de Pépin le Bref mit encore deux ans à faire tomber Narbonne. Lorsque ce fut enfin fait, en 757, son armée prit la direction des Pyrénées, les franchit et s'attaqua à la conquête du versant sud des montagnes. Face à cette agression, les puissants seigneurs sarrasins traitèrent avec Pépin le Bref, lui permettant d'obtenir l'Aragon, c'est-à-dire un petit quart nord-est de la péninsule ibérique. Ce territoire vécut de façon autonome par rapport à la Catalogne, devenant un royaume indépendant, dirigé à partir de 1162 par un roi... catalan !
Le règne de Charlemagne : Deuxième conquête franque
Vient alors le règne de Charlemagne en 762, successeur de Pépin le Bref. Fidèle à son prédécesseur, il poursuit l'attaque contre les Sarrasins en Aragon et achève la conquête du territoire. Puis, il se tourne vers le nord de son empire et entame une lutte contre les Saxons, abandonnant la Septimanie.
Les premiers Francs arrivent à la suite des soldats pour coloniser les terres du Sud. D'abord en très petit nombre, puis progressivement davantage. Les derniers Wisigoths, qui vivaient encore sur la péninsule ibérique, mirent en place les premières villes fortifiées. Cependant, la région restait très peu sûre.
Les Sarrasins, bien qu'ils commerçaient avec leurs voisins, n'hésitaient pas à lancer des expéditions pour récupérer le maximum de richesses, d'esclaves et de biens divers. Au fil des années, ces incursions deviennent de plus en plus fréquentes, et le rapport de force entre les soldats sarrasins et francs penche de plus en plus en faveur des Sarrasins. Si bien que le territoire, bien qu'encore peuplé de Francs, retomba sous la coupe des Arabes.
Charlemagne est contraint de revenir avec une nouvelle armée pour reconquérir ses terres du lointain Sud, ce qu’il parvient à faire sans trop de difficulté. La Septimanie et les terres du Sud, que l'on commençait à organiser en comtés et évêchés, redevinrent une possession franque.
La troisième conquête franque
En 793, alors que l'ensemble du territoire commence à se structurer, les Sarrasins lancent une nouvelle attaque sur la Septimanie. Ils traversent les Pyrénées, mènent des expéditions et saccagent le territoire jusqu'à Narbonne. Parvenus à leur ancienne capitale, ils sont arrêtés par Guillaume, duc de Septimanie.
Face à cette nouvelle agression, Charlemagne prend la tête d'une nouvelle armée et revient dans le Sud. Il chasse les Sarrasins au-delà de l'Èbre et rétablit la tranquillité dans les villes de la future Espagne. Ce fut la toute dernière attaque d'envergure des Sarrasins.
La principale bataille a eu lieu sur les hauteurs de Passa, près de Thuir. La victoire étant totale, Charlemagne décida de créer en ces lieux un monastère appelé fort justement Monastir del Camp (Monastère du Campement), un bâtiment qui existe toujours aujourd’hui. C'est ainsi que les terres du Roussillon, mais aussi tout le versant sud des Pyrénées sur environ 200 km, furent définitivement aux mains des Francs.
Durant ces périodes de reconquêtes, le territoire fut organisé en comtés, subdivisions administratives, et en évêchés, entités religieuses. Voyons à présent comment ces structures ont vu le jour.
Le rôle social des abbayes
Bien que le Roussillon ait eu un évêché depuis le VIe siècle, le catholicisme ne s'était pas vraiment étendu, car il s'adressait principalement aux Wisigoths. Or, ceux-ci durent fuir la région, se réfugiant dans les Pyrénées ou se mêlant aux Sarrasins, nouveaux maîtres de la région. L'arrivée des Francs va bouleverser cet équilibre.
La création des évêchés
Les différents évêchés du sud de la France et du nord de l'Espagne ont parfois des origines anciennes. Cependant, mis à part la construction de quelques édifices religieux, il n’y eut pas vraiment d’essor chrétien. Concentrons-nous plus particulièrement sur le Roussillon et la Cerdagne.
Dès que les territoires furent pacifiés, des moines de l'ordre des bénédictins s’installèrent dans des endroits reculés de la région. Les bénédictins, initialement évangélisateurs, avaient pour mission d'implanter une abbaye et d’essaimer sur leurs territoires des églises et chapelles pour attirer la population. C'est ainsi que furent construites toutes les premières églises de nos villages, comme celle de Prats-de-Mollo, en 982.
La première abbaye fut fondée avant 778 à Arles-sur-Tech. Consacrée à Notre-Dame, elle contribua au repeuplement de la vallée du Tech. L'abbaye de Sorède apparut vers 800, à l’initiative du moine Miron. En 819, c'est Saint-Génis-des-Fontaines qui fut créée. Ces deux édifices disséminèrent des églises dans les Albères et le Roussillon, jusqu'à la côte.
Le 20 juin 844 marque la signature de l’acte d’immunité de l’abbaye de Régleilles. Cette abbaye, située près d’Ille-sur-Têt, de l'autre côté de la rivière, est aujourd’hui en ruines.
Abbayes du Roussillon
Enfin, fut créée l'abbaye de Saint-Michel de Cuxa en 859, principal monastère du Conflent, qui exercera une influence majeure sur toute la chrétienté au XIIe siècle. Plus tard, en 1005, naquit Saint-Martin du Canigou, une fondation issue de Saint-Michel de Cuxa. Hors du Roussillon, on peut citer Saint-Jean-des-Abadesses, Saint-Pierre de Rodes, l'abbaye de Lagrasse dans l'Aude (qui possédera les territoires du Fenouillèdes), ou encore Saint-Jacques de Jocou dans le pays de Sault, laquelle dominera une partie du Capcir aux Xe et XIe siècles.
Preuve de l’action énergique de l’Église dans la région, les anciens bâtiments sont rénovés : l'église paroissiale d'Elne est restaurée en 900, puis reconstruite au XIe siècle.
Dotées dès leur création d’importants domaines fonciers, les abbayes bénéficieront de nombreux legs de la part des comtes. Il convient de rappeler que, dès la fin du IXe siècle, les comtés étaient considérés comme des propriétés privées des comtes. Ces derniers pouvaient en disposer librement, notamment en les offrant aux abbés pour la rémission de leurs péchés. Par ailleurs, les abbés eux-mêmes se comportaient souvent comme des propriétaires terriens, considérant les terres des abbayes comme leurs possessions personnelles.
Églises préromanes et romanes en Roussillon
Parfaitement intégrées à la région, les abbayes construisirent des églises dans des lieux stratégiques ou protégés. Avant le Xe siècle, il s'agissait d'édifices préromans. Ces bâtiments, plutôt modestes, étaient construits en pierres de rivière (dans la plaine) ou en pierres grossièrement éclatées au marteau, liées avec un mortier abondant. Leur plan était simple : une salle rectangulaire unique (la nef), orientée est-ouest. À l'extrémité est se trouvait le chevet, légèrement trapézoïdal, et à l'extrémité ouest, le portail. Un mur-clocher surmontait la toiture, constituée d'une charpente en bois. Les murs étaient percés de petites fenêtres à simple ébrasement intérieur. Une caractéristique marquante des édifices religieux de cette période est l'arc outrepassé, visible au-dessus des fenêtres ou remplaçant l'arc triomphal. Un exemple notable se trouve à Saint-Michel de Cuxa.
Au début du XIe siècle, le plan de ces églises évolua. Le chevet devint semi-circulaire et se décora de bandes lombardes et de lésènes. Les fenêtres adoptèrent un double ébrasement, et les bâtiments gagnèrent en taille. L'arc outrepassé fut définitivement abandonné, et les murs, désormais mieux finis, furent construits en moellons équarris. Ce fut le début de la période romane, dont de nombreuses églises subsistent encore aujourd’hui comme témoignages de cette époque.
Durant le XIIe siècle, une période de paix s'installe. Sous l'influence des abbayes, les habitants des villages entreprennent de reconstruire ou de modifier une grande partie des édifices religieux. Ces églises sont souvent agrandies par l’ajout d’une seconde nef parallèle, et les anciennes charpentes en bois sont remplacées par des voûtes en plein cintre ou en berceau brisé. Pour supporter le poids accru de ces nouvelles toitures, les murs sont renforcés : à l’extérieur par des contreforts et à l’intérieur par des arcs aveugles. Ces éléments sont caractéristiques des églises du XIIe siècle, particulièrement nombreuses en Roussillon.
L’art roman en Roussillon, né au XIe siècle, se prolonge tardivement dans le temps. Au XIVe siècle, on construisait encore une aile du cloître d’Elne dans ce style, alors même que la cathédrale Notre-Dame de Paris, commencée au XIe siècle, relevait déjà du style gothique.
Peu à peu, les bénédictins perdent de leur influence. Les grands monastères sont remplacés par des prieurés, dont la vocation n’est plus le repeuplement des territoires, mais un retour à la vie monastique. Les augustins jouent un rôle central dans cette évolution. La construction du prieuré de Serrabone en 1082 par des chanoines augustins marque le début de cette période. Suivent des édifices tels que le prieuré de Marcevol (1147, fondé par des chanoines de l’ordre du Saint-Sépulcre) et l’abbaye cistercienne de Sainte-Marie de Jau, en activité dès 1162. Parmi les exemples notables, on peut également citer le Monastir del Camp, près de Thuir, construit par Charlemagne pour rendre grâce à Dieu après sa victoire contre les Sarrasins.
L’influence de la religion chrétienne en Roussillon a profondément marqué les domaines artistiques, sociaux et politiques. Intéressons-nous à présent à la manière dont les villages se sont peuplés concrètement.
Le peuplement de la région du IXe au XIe siècle
Maîtres du Roussillon, les Carolingiens y créèrent des comtés et favorisèrent l'installation de grandes abbayes, qui essaimèrent des églises dans toute la région. Nous sommes au IXe siècle, et les premiers pionniers commencent à s’y établir.
L'arrivée des pionniers
La population initiale du Roussillon, principalement composée d'anciens Wisigoths, était dispersée dans la plaine. Après avoir vécu plusieurs décennies sous l’influence des Sarrasins, beaucoup avaient fui vers les montagnes, où ils rencontrèrent les descendants des Keretanis, les habitants historiques de la Cerdagne.
La plaine était donc pratiquement déserte, tout comme les vallées du Tech et de la Têt. Au départ des Sarrasins, trois grands courants de migration se produisirent.
Tout d’abord, les montagnards redescendirent en plaine, attirés par des terres plus fertiles, un climat plus doux et des conditions de vie plus agréables. Ils y croisèrent des émigrants venus du Sud, désireux de vivre en territoire chrétien pour échapper aux persécutions fréquentes dans les royaumes arabes. Enfin, un troisième courant, constitué de pionniers carolingiens, descendit vers le Sud pour coloniser ces terres prometteuses. Ces trois flux migratoires, en se mêlant, jetèrent les bases du futur peuple catalan.
L'installation
Au début du IXe siècle, c’est-à-dire au tout début de la reconquête carolingienne, les habitants étaient regroupés dans de rares villes, plus importantes en plaine qu’en Cerdagne, mais vivaient surtout dans des métairies isolées, appelées "mas" en Roussillon. Avec le temps, les familles s’agrandissaient, et d’autres habitations étaient ajoutées aux mas pour loger les membres de la famille : frères, grands-parents ou cousins. Lorsque la population devenait suffisamment importante, une abbaye y construisait une église, attirant ainsi de nouvelles familles. Peu à peu, un village prenait forme.
Les comtes, nommés par le roi, mirent en place le système féodal. Celui-ci leur permit de s’appuyer sur des familles moins puissantes, auxquelles ils déléguèrent une partie de leurs pouvoirs au niveau local. Ces familles, à leur tour, faisaient de même avec des subordonnés. Dès que leur richesse le permettait, elles construisaient un château, souvent une simple ferme fortifiée (comme le château de Palmes, en Fenouillèdes).
Pour se protéger, la population se regroupait naturellement autour de son protecteur local, qu’il s’agisse d’une famille laïque ou d’un ordre religieux.
Concrètement, les villages se formaient au pied des châteaux, des abbayes ou des églises bâties par les abbayes pour les hameaux. Les maisons s’accolaient souvent aux remparts (même les abbayes étaient fortifiées). Lorsque, vers le XIIe siècle, le nombre de maisons augmentait, les villageois obtenaient le droit de construire un second rempart pour protéger à la fois leurs habitations et le château. Ce type de fortification fut encouragé en 1196 par Raymond-Bérenger III de Barcelone, puis à partir de 1285 après la signature du traité de Corbeil.
Un éparpillement poussé à l'extrême
De tout temps, la concentration a été un phénomène naturel caractérisant le peuplement d'une région. De nos jours encore, on constate que les communes se regroupent pour améliorer leur efficacité. Il en était de même dès le IXe siècle, lorsque les habitants se rassemblaient pour mieux se défendre. La situation au XIe siècle est classique : la plupart des villages que nous connaissons aujourd’hui sont déjà créés, mais de nombreux autres existaient également. Prenons l’exemple de la Salanque : on trouve Saint-Hippolyte, juste au nord de Judaicas (disparu), puis, en allant vers l’ouest, Claira, Saint-Pierre de Vilario (disparu), Bompas, Pia, Ortolanes (disparu), Rivesaltes, Tura (disparu), etc. La situation était encore plus morcelée en Conflent, où chaque petite vallée possédait son hameau.
Des villages en mouvement
Par ailleurs, les villages évoluent. S'ils ne se renforcent pas, ils deviennent les victimes d’agressions (la paix relative dans les campagnes n’est apparue qu’au XIIe siècle) ou de catastrophes naturelles. À ce sujet, ce sont principalement les crues qui emportent les premiers emplacements des villages, souvent situés près des rivières. Les habitants décident alors de reconstruire le village un peu plus haut, comme ce fut le cas à Ansignan ou Conat. La Llagonne, quant à elle, s’est déplacée du col de la Quillane à son emplacement actuel, bien que ce ne soit pas dû à une crue. De même, un tremblement de terre au XIVe siècle détruisit totalement Miralles, en haut Vallespir. Les habitants ne reconstruisirent jamais le village, qui fut définitivement abandonné.
Enfin, il convient de mentionner la principale raison de l’abandon des villages au XVe siècle : l’apparition de la peste. Celle-ci éradiqua des populations entières, comme à Vallserra, Creu (Capcir) ou Vilarnau (près de Canet-en-Roussillon).
Cette période s’étendit de la pacification des territoires après l’expulsion des Sarrasins (sous Charlemagne, au début du IXe siècle) jusqu’au XIIe siècle, moment de l’explosion démographique qui fixa définitivement les villages, devenus trop grands pour être déplacés. Voyons à présent comment s’est formée la caste des nobles.
Apparition de la noblesse
Avec l'apparition de ces nouvelles terres peuplées, les comtés reçurent une administration traditionnelle. À chaque regroupement de population, un administrateur public fut nommé. Fonctionnaire du royaume, il portait le titre de viguier et était chargé de la collecte des impôts ainsi que de rendre la justice. La viguerie, c’était donc un village au IXe - Xe siècle, représentant le niveau inférieur de la division territoriale, tandis que le comté en représentait le niveau supérieur.
Vers le IXe siècle, on est encore loin de l’image de la féodalité classique. En réalité, les habitants vivaient relativement bien. Ils étaient complètement libres, cultivaient une terre qui leur appartenait en propre et n’avaient de comptes à rendre à personne. Les litiges, qui concernaient le plus souvent des limites de propriétés, étaient jugés sereinement, et il n’était pas rare de voir les comtes eux-mêmes condamnés par des juges, face à de simples paysans... Un rêve, même pour notre société...
Pour se protéger des ennemis, les comtes firent construire de nombreux châteaux. Chacun d’eux était sous le pouvoir public du comte, mais celui-ci, ne pouvant matériellement pas être partout en même temps, nomma des délégués : les vicomtes, lorsqu’il s’agissait d’une aide sur une grande zone géographique, et les viguiers dans les villages possédant un château. Cette distinction entre fonctionnaire public et le reste de la population allait entraîner une scission dans la société de l'époque : les fonctionnaires possédaient le pouvoir de commandement des places fortes, contrairement aux autres, ce qui mena à la formation d’une classe dirigeante (la noblesse) et d’une classe dirigée (la population).
Au fil du temps, les viguiers commencèrent à se nommer eux-mêmes par le nom du lieu dont ils avaient la charge, introduisant ainsi la fameuse particule ("Guillem de Castelnou").
Comment les nobles devinrent des seigneurs
Cette époque est marquée par une grande autonomie des régions, le pouvoir central du roi franc étant limité par la distance entre lui et ses provinces. Seul le clergé tente d'organiser un lien entre le roi et ses provinces, mais ce lien était souvent rompu par des intérêts locaux individuels.
Malgré tout, jusqu'au Xe siècle, les comtes étaient nommés par le pouvoir central. Ceux-ci commencèrent à acheter des terres, au fil des décès des cultivateurs. Les viguiers, devenus parties prenantes dans les conflits, commencèrent également à juger les litiges en tenant compte de leurs propres intérêts. Par ce système, nombreux furent ceux qui accrut leur patrimoine foncier.
Peu à peu, la terre leur fut inféodée, et les cultivateurs libres devinrent des travailleurs payés par les viguiers pour exploiter les terres. Ainsi, ils furent également inféodés.
C'est par ce système que les hommes libres devinrent des paysans dépendants de la volonté de la noblesse, et, par la suite, des serfs. La notion de seigneurie fit son apparition vers le Xe siècle.
De la conquête franque à Guifred le Velu (793-897)
De 751 à 793, les Sarrasins et les Francs se disputent les territoires de Septimanie et d'Aragon, soit de Barcelone à Narbonne, et à l'intérieur des terres jusqu'à Vic. Pendant les périodes franques, les rois mettent en place une division administrative et religieuse de leurs territoires.
A présent reconquis, le vaste territoire s’étendant de Barcelone à Narbonne doit être christianisé. Charlemagne commence par créer des diocèses, puis les divise en comtés. Cette organisation est originale dans la mesure où, d'habitude, à un diocèse correspond un comté. Mais ici, Charlemagne segmente beaucoup plus son territoire, probablement pour mieux en assurer la protection.
Les cinq nouveaux diocèses sont :
- Barcelone (comtés de Barcelone et de Pénitès)
- Gérone (comtés de Gérone, de Pierrelate, d'Ampurias, de Bésalu)
- Urgell (comtés d'Urgell, de Cerdagne, de Pallars)
- Ausonne (comtés d'Ausonne ou de Vic, de Mansera, de Berga)
- Elne (comtés du Roussillon, du Conflent, du Vallespir)
L'ensemble de ces comtés est rattaché à la Septimanie et forme la Marche d'Espagne, une circonscription militaire ayant pour vocation la défense de l'Empire carolingien. Les comtes sont nommés par le roi ; il s'agit de simples fonctionnaires. De même, le chef de la Marche d'Espagne est un marquis, également nommé.
Ces comtés n'ont pas tous été créés en même temps, bien sûr. C'est au fur et à mesure de la pacification définitive qu'ils ont été établis, donc en avançant vers le Sud. De plus, la nomination des comtes et la délimitation définitive des territoires ont pris du temps. C'est la raison pour laquelle il est très difficile de trouver des traces des premiers comtes et de savoir sur quel territoire effectif ils exerçaient leurs pouvoirs. Et encore, le savaient-ils eux-mêmes ? Pour compliquer le tout, certains comtés sont rapidement devenus dépendants d'autres comtés, probablement à cause des rapports de soumission des comtes, ce qui les a transformés en vicomtés. Et l'inverse est vrai aussi : des vicomtés se sont transformées, parfois temporairement, en comtés.
Toujours est-il que cette appellation reste floue, et qu'il est quasiment impossible de savoir quels étaient les vrais enjeux du pouvoir de cette époque lointaine.
Le Roussillon autour du IXe siècle
Le Roussillon, tel que nous le connaissons aujourd'hui, était dépendant de quatre comtés différents au IXe siècle. La bande littorale représentait le comté du Roussillon, tandis que la Cerdagne et le Conflent faisaient partie du comté de Cerdagne, qui se poursuivait jusqu'au bout du plateau cerdan et descendait très au sud dans les montagnes. Le Capcir faisait partie du comté de Razès, qui était hors de la domination sarrasine, donc déjà sous la domination franque. Enfin, tout le reste, du Fenouillèdes au Vallespir, appartenait au comté de Bésalu, dont la capitale était Bésalu et dont le comté s'étendait plein sud, de l'autre côté des Pyrénées.
Les premiers comtes du Roussillon, Conflent, Cerdagne
À la fin du VIIIe siècle, un certain Bellon (l'orthographe varie beaucoup) se trouve à la tête des comtés. Bellon était comte de Carcassonne, un comté limitrophe aux Sarrasins. S'étant brillamment illustré au combat, il fut récompensé par Charlemagne, qui le nomma à la tête de tous les nouveaux comtés en 798. Il les conservera jusqu'en 812, date de sa mort.
Bellon était également marquis de la Marche d'Espagne. À sa mort, les comtés furent répartis entre différentes personnes dont les noms sont difficiles à retrouver. On peut tout de même affirmer que Sunifred 1er prit en charge les comtés de Cerdagne, Bésalu, Urgell, Ausonne, puis de Barcelone, tandis que Gaucelm fut nommé comte du Roussillon. Il était le fils de Guillaume, le duc de Septimanie, qui, en 793, arrêta les Sarrasins lors de leur reconquête.
Cliquez sur les blasons pour voir la généalogie complète des comtes suivants :
Gaucelm, premier comte du Roussillon, fut dépouillé de son titre car il avait soutenu Louis, fils de Charlemagne, contre Louis le Pieux. Une fois ce dernier sur le trône, il lui imposa de se retirer, mais, pour pouvoir rester comte du Roussillon, Gaucelm décida de se ranger à ses côtés. Il participa ainsi aux conquêtes du souverain, mais mourut décapité.
De 832 à 833, un certain comte Béranger fait l'intérim, mais il n'a pas eu énormément de pouvoir. Le comte suivant se nomme Bernat de Gothie. Il prit la décision importante d'autoriser l'édification du monastère de Saint-André d'Exelada, futur Saint-Michel de Cuxa. C'était en 846.
En 850, c'est Suniaire 1er qui prend le pouvoir sur le Roussillon. Il était aussi comte d'Ampurias et de Bésalu, et ce jusqu'en 869, année où ces comtés furent donnés par le roi franc avant d'échouer dans les mains de Guifred le Velu, ce dernier récupérant l'essentiel des comtés en 870. Il sera le premier à s'affranchir de la tutelle franque et nommera ses enfants comme ses propres successeurs, engendrant la dynastie des comtes-rois de Catalogne.
L'unification des comtés sous Guifred le Velu (fin IXe siècle)
En 863, la marche d'Espagne était devenue trop importante. Elle fut séparée de la Septimanie, ce qui découpa la carte de la région. Au nord du Roussillon, la Septimanie, au sud la Marche d'Espagne. Un certain Salomon prit en charge la marche d'Espagne.
Le 15 des calendes de septembre 869, on retrouve Salomon en tant que comte de Cerdagne, du Conflent et du Roussillon. Il aura également plus tard le comté de Barcelone. Mais avant 873, il décède, assassiné par Guifred le Velu. Ce dernier est nommé par le roi marquis de la Marche d'Espagne.
En 877, un événement important se produisit. Afin de favoriser les personnes en place à des postes clés, le roi des Francs lança un édit dans lequel il reconnaissait le droit à l'hérédité. Cette décision aura pour effet d'autoriser la transmission de père en fils des propriétés, dont les fameux comtés. Ce droit sera utilisé par Guifred en faveur de son frère Miron 1er, qui devient ainsi le premier comte héréditaire. Un deuxième frère, Radulfe, recevra le Conflent, et il gardera Barcelone, Cerdagne, Bésalu, Urgell puis Ausonne, qu'il devra conquérir sur les Sarrasins (de 880 à 888).
Cette période impose deux remarques. Tout d'abord, la transmission des comtés entre membres d'une même famille marque le début des dynasties catalanes : celle de Bésalu se terminera en 1111, celle de Cerdagne en 1116, et celle du Roussillon en 1172. Quant à la dynastie des comtes de Barcelone, elle ne s'achèvera qu'en 1410. Ses membres deviendront depuis 1196 des rois d'Aragon.
La deuxième remarque concerne la légende de la création du drapeau catalan, que voici.
La légende de la création du drapeau catalan
Entre 834 et 848, Sunifred 1er avait la charge de marquis de la marche d'Espagne. Il obtint ce titre car il s'illustra particulièrement au combat. Il reçut également le titre de comte de Cerdagne et d'Urgell, puis, à partir de 844, celui de comte de Barcelone.
Sunifred 1er décéda à la suite d'un combat perdu contre Salomon, un noble de l'entourage du roi franc. Ce dernier lui confia la direction des comtés qu'il conserva jusqu'en 870. Cette année-là, son destin bascula.
L'un des fils de Sunifred 1er, Guifred, dit "le Velu", se fit reconnaître de Salomon et lui imposa un duel. Mortellement blessé, Salomon fut étendu sur le sol. Son adversaire plongea alors la main dans la plaie saignante et traça sur un écu d'or quatre traces verticales du bout des doigts : le drapeau catalan était né. C'est la raison pour laquelle nous parlons de drapeau "Sang et or", et non "rouge et jaune".
Pour les amoureux des légendes, celle-ci ne manque pas de grandeur. Mais pour les autres, il faut savoir que les blasons n'apparurent que deux siècles plus tard, au XIe siècle. Ce qui fait que cette légende... doit en rester une !
À la mort de Guifred le Velu, en 897, ses enfants poursuivirent les dynasties nouvellement créées. Les comtes du Roussillon, de Bésalu, de Cerdagne, unifiés au sein d'une même famille, exercèrent des politiques différentes. Commence alors une période où se crée l'entité catalane.
Le développement des comtés (897-1097)
En 897, c'est le décès de Guifred le Velu. Ce personnage, unificateur de la Catalogne et à l'origine de la légende du drapeau catalan, partagea entre ses enfants les comtés qui forment la future Catalogne. Les comtés de Bésalu, de Cerdagne et du Roussillon vont connaître des lignées autonomes, s'opposant régulièrement.
Séparation des comtés de montagne : la descendance de Guifred le Velu
Guifred le Velu fut le patriarche des dynasties des comtés catalans. Il prit en 870 le titre de comte d'Urgel-Cerdagne-Bésalu, puis en 878 celui de Barcelone-Gérone, et enfin en 885 il créa lui-même le comté d'Ausonne. Lorsqu'il décéda en 897, ses enfants se partagèrent les comtés. Guifred II devint comte de Barcelone-Gérone-Ausonne jusqu'à sa mort en 911. Cette année-là, son frère Sunyer reprit ses titres jusqu'en 947, Guifred II n'ayant pas eu de descendance. Troisième fils de Guifred 1er, Sunifred II fut comte d'Urgel (897-948), tandis que le quatrième, Mir II, fut comte de Cerdagne de 897 à 927, puis comte de Bésalu de 913 à 927. Enfin, Radulf, cinquième et dernier fils de Guifred 1er, fut comte de Bésalu de 897 à 913, ainsi qu'évêque de Gérone.
La Cerdagne, le Conflent, le Capcir
Il faut savoir que le Conflent fut initialement considéré comme un comté à part, mais il passa rapidement sous l'autorité de la Cerdagne. Les deux régions suivirent donc le même destin. Le Capcir, quant à lui, ne fut englobé dans la Cerdagne qu'en 877, sous le comte de Razès, Acfred Ier (Le Capcir faisait auparavant partie du Razès).
Le comté de Cerdagne fut repris par le fils de Mir II en 927, puis passa à son petit-fils Seniofred jusqu'en 967. Seniofred n'ayant pas eu d'héritier, le comté de Cerdagne passa à son frère Oliba Cabreta. "Cabreta" était un surnom donné car il avait, paraît-il, très mauvais caractère, s'emportant facilement, tapant du pied en s'énervant comme le font les chèvres (Cabreta est à rapprocher du mot "chèvre"). En 988, Oliba Cabreta se retire au mont Cassin, où il meurt.
C'est son fils Guifred II qui prend sa suite de 988 à 1035. Son règne est marqué par deux événements. Tout d'abord, l'achat de l'évêché de Narbonne pour 100 000 sous, destiné à son fils Guifred. L'achat d'évêché était une procédure courante à cette époque ; cela permettait à l'acquéreur de placer qui il voulait à sa tête, et donc de bénéficier de l'aura de l'Église. Le deuxième événement est la fondation de l'abbaye de Saint-Martin du Canigou en 1009. Il s'y retirera en 1035 en tant que moine et y mourra en 1049. Il faut savoir que durant cette période, Guifred II avait creusé sa propre tombe dans la roche. Ses restes seront éparpillés 750 ans plus tard par les Espagnols lors de la guerre de 1793.
Ses successeurs furent, de père en fils, Raymond, qui régna jusqu'en 1068, puis Guillem (1068-1095) et enfin Guillem-Jorda (1095-1109). On a une trace du testament de Guillem-Jorda, rédigé le 13 avril 1102. Son fils fut Bernard-Guillem, mais en 1111, ce dernier mourut sans descendant. Sans héritier, son comté passa à son plus proche parent, Raymond-Bérenger III de Barcelone, descendant de Guifred le Velu.
Le Roussillon, intimement lié à l'Empuries
Les familles d'Empuries, du Roussillon, de Cerdagne et de Bésalu se livraient à des batailles continuelles dont la cause était l'établissement de frontières les plus précises possibles entre les comtés. Il faut dire que les frontières étaient à l'époque floues, de nombreuses enclaves d'un comté étant situées au sein des terres d'un autre. À la fin du IXe siècle, les comtés d'Empuries et du Roussillon étaient réunis sous l'autorité de Suniaire Ier, puis sous celle de Suniaire II. En 915, Bension prit le pouvoir pour une année seulement, le laissant ensuite à sa mort à son frère Gausbert Ier, puis à son fils Gausfred Ier en 940. Durant tout le Xe siècle, les comtés d'Empuries et du Roussillon étaient unis, donnant accès à l'intégralité de la côte littorale. Mais à la mort de Gausfred Ier, en 992, les deux comtés furent séparés. L'un de ses fils, Guilabert Ier, devint comte du Roussillon et l'autre, Hug Ier, comte d'Empuries-Peralada (Peralada était une vicomté de l'Empuries).
Le partage ne fut pas facile et Guilabert hérita de biens au sud des Albères, tandis que son frère en garda au nord, ce qui allait être une source de litiges. Guilabert de Roussillon mourut en 1013 et son frère Hug réclama aussitôt le comté du Roussillon, désireux de réunir l'héritage de son père. Malheureusement pour lui, Guilabert avait un fils, baptisé du nom glorieux de son grand-père, Gausfred. Le conflit fit rage et il fallut trouver une solution diplomatique, à l'initiative d'une tierce personne : Bernat Tallaferro (Bernard Taillefer), comte de Bésalu. Il intervint en 1020 pour trancher la question, obligeant Hug à reconnaître la légitimité de Gausfred II. C'est ainsi que ce dernier devint comte du Roussillon. En 1040, Hug décéda, laissant la place à son fils Ponç Ier.
En 1085, un accord de paix fut signé entre Guislabert II, comte du Roussillon, et Hug II, comte d'Empuries. Ce fut la fin de l'animosité entre les deux comtés, qui purent enfin se développer normalement.
Barcelone, le comté qui prend de l'importance
Si les premiers comtes succédant à Guifred se contentèrent de consolider les frontières, Raymond Borrell III (997-1018) lança des expéditions en territoire ennemi le long du Sègre et de l'Ebre. Son fils, mineur au décès de son père, prit sa succession en 1018. Il partagera entre ses trois enfants ses possessions, l'aîné Raymond Bérenger Ier prenant Barcelone et Gérone en 1035. Ce dernier put toutefois racheter les possessions laissées à ses frères par son père en 1057. Il laissera l'ensemble des comtés à ses deux enfants (des jumeaux) Raymond Bérenger II et Bérenger Raymond II.
À la mort de Guifred Ier le Velu, la Catalogne unifiée au sein d'une même famille était fragile. Deux siècles plus tard, l'unification définitive était en marche, assurant la primauté du comté de Barcelone sur ses voisins.
L'histoire du Roussillon intégré dans la Catalogne (897-1062)
Le XIIe siècle marquera, dans toute l'Europe et particulièrement en Roussillon, un retour au calme. La région, pacifiée, s'est peuplée. L'Église catholique sert de ciment entre les différentes communautés et les dirigeants arrêtent de s'opposer, du moins ils le font en déployant moins d'agressivité. La politique commence à prendre la place de la guerre.
Raymond Bérenger III, comte de Barcelone : L'unification de la Catalogne
L'unité catalane se soude essentiellement sous Raymond Bérenger III, dit le Grand (1097-1131), avec la prise de possession du comté de Bésalu qui se produisit en 1111, à la mort de Bernard III de Bésalu, décédé sans héritier. Bernard III s'était marié avec la fille du comte barcelonnais, ce qui faisait de lui son gendre. C'est donc tout naturellement que le comté de Bésalu lui revint. Six ans plus tard, c'est le comte de Cerdagne, Bernard-Guillaume, qui mourut lui aussi sans descendant. Tout comme le comté de Bésalu, il légua son comté au comte de Barcelone. Le Roussillon subira le même sort, mais beaucoup plus tard, en 1172.
Leg du Roussillon
Il faut dire que depuis sa création, le comté de Barcelone a obtenu une place plus importante dans le système féodal : dernier rempart avant le territoire sarrasin, il est également en bord de mer et a su en profiter en développant le commerce maritime. Plus vaste que les autres comtés, mieux situé, les familles qui le dirigeaient étaient puissantes et avaient des contacts multiples avec les autorités franques, mais aussi aragonaises, royaume créé à cette époque et limitrophe. Prenant de l'importance, les comtés alentours préférèrent la protection de ce puissant voisin plutôt que de demander cette protection aux lointains souverains francs.
Le règne de Raymond Bérenger III est marqué tout d'abord par l'arrêt de l'expansion du comté vers le sud. Les Sarrasins, continuellement en lutte avec leurs voisins chrétiens, reprirent la ville d'Olerdola en 1107 et assiégèrent Barcelone en 1115. Il faut savoir que, malgré ses combats perpétuels, les échanges commerciaux se poursuivaient entre les deux peuples : parfois, la monnaie d'échange était tout simplement les prisonniers capturés lors des incursions de l'autre côté de la frontière !
Par ailleurs, Raymond Bérenger III organise une expédition contre les pirates de l'île de Majorque dans le but de leur faire cesser les arraisonnements des navires catalans. Embarqué en juin 1114, il prend Majorque en avril 1115. Malheureusement perdu entre-temps, ce combat sera repris un siècle et demi plus tard par le grand Jacques Ier le Conquérant, qui réussira à soumettre cette île définitivement.
Durant cette période, le Roussillon se renforce. Perpignan est doté de remparts. À côté de l'église Saint-Jean, le comte Gausfred III construit son château et déplace ainsi le siège du Roussillon de Château-Roussillon à Perpignan. Il en profite pour construire l'hôpital Saint-Jean, qui sera déplacé au XXe siècle au Vernet sous le nom d'Hôpital Joffre.
Raymond Bérenger IV, comte de Barcelone
C'est sous le règne de Raymond Bérenger IV, dit "le Saint" (1131-1162), que la Catalogne et l'Occitanie se séparent. Son père lui légua les possessions catalanes, augmentées du Carcassonnais et du comté de Razès, au sein duquel se trouvait inclus le Capcir. Son frère reçut la Provence, le Gévaudan, Carlat et Rodez. Cette séparation n'a pas eu de conséquences fâcheuses, les deux branches continuant de rester proches (ce qui n'a pas été le cas du royaume d'Aragon et de Majorque deux siècles plus tard, par exemple).
Le rêve d'une unité s'est même dessiné à plusieurs reprises avant l'épopée cathare, mais il n'a pas pu être concrétisé. Si cela avait été le cas, le Roussillon serait de nos jours englobé dans un pays reliant les villes de Toulouse, Marseille et Barcelone.
Raymond Bérenger se marie avec la fille du roi d'Aragon, Pétronille Ramírez, unique héritière, en 1137. Il devient ainsi prince consort et ses enfants obtiennent le titre de comte-roi d'Aragon, engendrant la lignée des rois d'Aragon.
Arrivé à ce stade de l'histoire, le Roussillon est englobé dans la Catalogne, un comté de plus en plus puissant, qui a su fédérer les comtés annexes gravitant autour, et assoir son autorité sur une vaste région des deux côtés des Pyrénées. Or, c'est à ce moment qu'émerge une nouvelle religion, une branche de l'Église qui se veut plus pure, moins déviante que le catholicisme : ce sont les cathares, et avec eux arrivent des temps sombres pour la Catalogne, qui, heureusement, permettront l'accession au trône d'un futur grand souverain européen : Jacques Ier le Conquérant. La suite de l'histoire se déroule donc entre 1162 et 1258, à l'époque des comtes-rois d'Aragon.