De quoi s'agit-il ?
L’abbaye Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech est l’une des grandes abbayes des Pyrénées-Orientales, de celles qui ont forgé le territoire autour de l’an mil et favorisé l’arrivée des pionniers francs dans la région, à l’origine de la première migration locale. Aujourd’hui, cette abbaye se trouve au centre-ville d’Arles-sur-Tech, en Vallespir. Elle possède une particularité remarquable : c’est la seule abbaye de la région dont le chevet est tourné vers l’ouest. Ce choix n’est pas anodin, à une époque où toutes les églises — et a fortiori celles des abbayes — devaient être orientées vers le tombeau du Christ.
L’abbaye se compose d’une église à trois nefs et d’un cloître de toute beauté. Sur le parvis, un étrange sarcophage se remplit peu à peu d’eau claire, sans explication scientifique totalement satisfaisante. L’ensemble comprend également un jardin d’agrément au cœur du cloître.
Le mobilier de l’église est particulièrement riche : une cuve baptismale romane, des inscriptions funéraires datées de 1317 et 1355, une inscription concernant une fondation de messe au XIVe siècle, une grille d’autel du XVIIIe, un orgue du même siècle, une chaire et une console en bois doré également du XVIIIe, un retable réalisé par Lazare Tremullas en 1646, deux autres retables du XVIIIe, six panneaux du retable du Rosaire (1670), des bustes-reliquaires de 1425 et 1440, un lustre en fer forgé du XVIIIe, ainsi qu’un chemin de croix du même siècle. Le cloître conserve aussi les vestiges de la salle capitulaire, une table d’autel en marbre du XIe siècle (classée Monument historique) et une croix de fer du XVIe siècle (également classée).

1. Le cloître : Rien ne subsiste du cloître roman. Le cloître actuel, construit sur les anciennes fortifications de l’abbaye, est l’œuvre de l’abbé Ramon Desbac (1261-1303). C’est le premier cloître gothique bâti en Catalogne Nord. Les matériaux associent le marbre blanc de Céret et la pierre de Gérone. Un exemple unique de l’art gothique languedocien en Catalogne.
2. La Creu del Gra : À l’origine, cette croix ornait un calvaire à l’entrée du village. Œuvre de forgerons catalans du XVIe siècle, elle a été déplacée dans le cloître pour être protégée.
3. La nef : Initialement charpentée, la nef fut voûtée en arc brisé au XIIe siècle. Les piliers actuels doublent le premier mur du XIe. Comme dans toutes les églises basilicales, des fenêtres hautes éclairent la nef centrale. À remarquer : la chaire du XVIIIe siècle et des panneaux sculptés du XVIIe, vestiges d’un retable du Rosaire en partie détruit au XIXe, témoins du savoir-faire des sculpteurs et doreurs catalans de l’époque baroque.
4. Les armoires à reliques : Aménagées dans les piliers de la deuxième travée, elles conservent un décor peint de différentes époques (XIIe et probablement XIVe siècle).
5. L’absidiole sud-ouest : À l’origine dédiée à Saint-Pierre, elle abrite aujourd’hui du mobilier entretenu par la confrérie de la Sanch : un Saint-Sépulcre, une Vierge des douleurs, une Croix de la Passion (Creu dels Impropris) et un Christ aux outrages assis (Ecce Homo).
6. Le retable du Christ : À la fin du XVIIIe siècle, l’art baroque, caractérisé par le mouvement et la surcharge décorative, s’assagit. Le vide entre les colonnes met en valeur la gloire du couronnement. Le crucifix central est utilisé depuis le XVIIIe siècle pour la procession nocturne du Vendredi saint.
7. L’ancienne chapelle du Rosaire : Les panneaux du retable d’origine sont répartis dans la nef centrale. La chapelle abrite aujourd’hui le retable de Saint-Pierre (XVIIIe siècle), conçu à l’origine pour l’absidiole sud-ouest. On y voit également une cuve baptismale du XIIe siècle.
8. La chapelle des saints Abdon et Sennen : Retable pré-baroque de 1647, œuvre de Lazare Trémullas, introducteur en Roussillon du grand retable doré et polychrome à panneaux sculptés couvrant tout le mur de la chapelle. Les panneaux représentent la Passion des deux martyrs, la translation de leurs reliques à Arles et leur vénération toujours vivante.
9. La Rodella : Disque de cire d’abeille offert chaque 30 juillet, jour des saints Abdon et Sennen, par le village de Montbolo depuis 1465, en signe de demande de protection.
10. La chapelle Saint-Joseph : Retable du XVIIIe siècle avec saint Joseph au centre, entouré de saint Côme et saint Damien, saints guérisseurs souvent invoqués contre les épidémies. Le couronnement figure saint Georges terrassant le dragon, protecteur des chevaliers et patron de la Catalogne.
11. L’orgue : L’instrument actuel, construit au XVIIIe siècle, remplaça un orgue catalan plus ancien. Jamais transformé malgré des restaurations, il conserve la sonorité des instruments de l’époque et attire des organistes du monde entier.
12. La contre-abside : Le mur de façade intègre trois absides, une particularité architecturale carolingienne rare dans la région. Des fresques du XIIe siècle y subsistent : anges séraphins et un Christ en majesté entouré des évangélistes.
13. Le parvis : Exemple du premier art roman européen. Le portail consacré en 1046 présente au tympan un Christ de gloire entouré des évangélistes. Les arcatures lombardes ornent la façade, et un linteau de granit gravé d’un alpha et d’un oméga surmonte la porte du IXe siècle.
14. La Sainte Tombe : Sarcophage paléochrétien du IVe siècle ayant accueilli les reliques des saints Abdon et Sennen. Il se remplit mystérieusement d’eau, signe de leur présence selon la tradition. Au-dessus se trouve la pierre tombale de Guillem Gaucelm, seigneur de Tellet, décédé en 1211, sculptée par Ramon de Bianya.
15. Tours de défense : Au XIe siècle, l’abbaye fut fortifiée par quatre tours encore visibles.
La Sainte Tombe
La Sainte Tombe d’Arles-sur-Tech est un sarcophage du IIIe siècle. Il en existe une dizaine en France, mais celui-ci est unique car il produit en continu une eau pure dont l’origine reste mystérieuse : 200 à 300 litres par an !

L'abbaye Sainte-Marie d'Arles
De nombreux scientifiques ont étudié le phénomène, sans explication pleinement convaincante. Pour le clergé, il s’agit d’une manifestation divine. Fait troublant : l’écoulement s’est arrêté durant les deux guerres mondiales. Des hypothèses physiques furent proposées, notamment en 1961 : l’eau viendrait en grande partie de l’infiltration lente à travers le couvercle poreux, combinée à un effet de condensation. Les études récentes confirment que la production d’eau provient à environ 90 % des pluies et à 10 % de la condensation (six fois plus forte que l’évaporation).
Le sarcophage est en marbre bleu de Céret, sculpté d’un cercle entourant un X, symbole de Iesous Chrestos (Jésus-Christ). Il mesure 1,88 m à la base, s’élargissant jusqu’à 1,92 m, avec une largeur de 50 à 65 cm. Il repose sur deux cales de 40 cm de côté.
