De quoi s'agit-il ?
Quand on parle de TGV à Perpignan, ça fait sourire… mais pas toujours pour de bonnes raisons : retards de construction, plannings décalés à répétition, compteurs sur le Castillet, etc. Cette arlésienne a su se faire attendre, en partie à cause d’un manque de volonté politique de privilégier cette voie internationale par rapport aux lignes nationales (Toulouse, Rennes, Nice, etc.).
La liaison Paris-Madrid et ses tâtonnements
En 2009, le TGV est enfin arrivé en gare de Perpignan. Mais, contrairement aux attentes, il arrivait à grande vitesse… depuis l’Espagne, pas depuis la France !
Perpignan se situe sur la ligne Madrid-Barcelone-Montpellier-Lyon-Paris, et au-delà vers le nord de l’Europe. Cependant, cette ligne se construit progressivement. Côté français, elle est à grande vitesse jusqu’à Nîmes, juste avant Montpellier, puis redevient à grande vitesse à partir de Perpignan. Ainsi, le trajet vers Barcelone ne dure que 45 minutes, tandis que Montpellier prend près de trois fois plus de temps. Ce déséquilibre persiste, car les grands plans du TGV français privilégient d’autres axes (Est, Sud-Ouest, Sud-Est, Ouest) plutôt que Montpellier-Barcelone.
Le tronçon Perpignan-Gérone, au sud, fut le premier à ouvrir le 17 février 2009. Long de 45 km, il comprend un tunnel de 8,3 km et de nombreux ouvrages d’art :
- Viaduc du Réart (180 m) entre Toulouges et Ponteilla
- Viaduc sur l’A9 (267 m) à Ponteilla
- Viaduc de la RN9 (144 m) à Banyuls-dels-Aspres
- Viaduc du Tech (392 m) entre Tresserre et Montesquieu
- Tunnel du Perthus et divers viaducs côté espagnol
Au total, rien que de Perpignan à Montesquieu, on compte 39 ouvrages d’art : 4 viaducs ferroviaires, 10 ponts-routes, 10 ponts-rails et 13 ouvrages hydrauliques.
Deux particularités techniques ont dû être résolues pour la section internationale :
- Écartement des rails : 1,43 m en France, 1,66 m en Espagne. Le tronçon international unique résout ce problème.
- Sens de circulation : trains à droite en Espagne, à gauche en France. À Tresserre, un "saut de mouton" permet d’inverser les voies.
Le tunnel du Perthus fut un chantier colossal : 200 tonnes d’explosifs, 1,4 million de m³ de gravats extraits pour créer un tunnel bitube avec 41 galeries de communication. Le viaduc le plus long, celui du Tech, mesure 392 m et repose sur sept piles octogonales de 18 à 20 m de haut, surélevant la voie au-dessus des crues historiques.
La section Perpignan (Le Soler-Toulouges) à Figuères (Llers) est appelée "section internationale". Elle mesure 24,6 km en France et 19,8 km en Espagne, et est concédée à TP Ferro, détenu à parts égales par Eiffage (France) et ACS (Espagne).
La gare TGV
Pour accueillir le TGV, Perpignan a construit une gare moderne et majestueuse, remplaçant l’ancienne devenue peu fonctionnelle. Cette dernière reste dans le cœur des Catalans, notamment parce que son plafond a été peint par Dali — un détail qui a marqué les esprits. Mais la nouvelle gare était nécessaire, plus pratique et adaptée à un trafic contemporain.
Elle se situe dans le quartier Saint-Assiscle, censé devenir le nouveau poumon économique de la ville. Juste en face, l’hôtel de l’agglomération a pris place, encadrant l’avenue avec la gare sur un côté et un autre bâtiment moderne sur l’autre. La gare TGV, par sa longueur et sa hauteur, avec sa façade aux dégradés de couleurs chaudes, est un véritable succès esthétique. Elle est surnommée “el centre del món” (le centre du monde) — un hommage humoristique à Dali, qui voyait Perpignan comme un point de départ universel de ses œuvres.
La catastrophe économique
Cependant, derrière l’humour et la beauté du bâtiment se cache une réalité moins réjouissante : la gare TGV est un échec économique retentissant. Conçue comme un pôle dynamique capable de rivaliser avec le centre-ville et le quartier des Dames de France (actuelle FNAC), elle devait attirer commerces et touristes. Or, faute de trains arrivant réellement à grande vitesse, la fréquentation est restée très faible.
La galerie, longue et lumineuse, est traversée par quelques courants d’air, mais reste désespérément vide. Les boutiques, de la supérette au magasin de l’équipe locale de rugby (l’USAP), ont rapidement fermé. L’hôtel peine à remplir ses chambres et les quelques centaines de travailleurs du secteur n’ont pas suffi à dynamiser le quartier. Aujourd’hui, la gare TGV est un bel édifice, mais froid et vide, témoin d’un projet ambitieux qui n’a pas tenu ses promesses.