Histoire
IXe siècle : L'ancienne paroisse d'Ortolanes
L'histoire de Notre Dame de la Salut commence à l'époque carolingienne, au IXe siècle. En 811, Charlemagne conquiert le Roussillon aux Sarrasins, maîtres de la région depuis 739. Dès lors, les rois carolingiens font venir des moines du Nord de la France, mais aussi du Nord de l'actuelle Espagne, qui fondent de grandes abbayes. Ces abbayes essaimèrent de nombreuses églises et chapelles, destinées à fédérer les habitants autour de lieux fixes. En effet, les premiers habitants chrétiens du Roussillon construisaient leurs maisons au milieu des terres cultivées, souvent très éloignées les unes des autres.
Les églises devinrent alors des points de rassemblement, concentrant les habitations en un lieu unique et marquant ainsi la naissance des villages. La Salanque comptait alors bien plus de villages qu’aujourd’hui, certains ayant tout simplement disparu. Parmi eux figurent Tura près de Rivesaltes, Saint Michel de Forques près de Canet, Vilarnau entre Château-Roussillon et... Ortolanes, près de Pia.
Vous l’aurez compris, Notre Dame de la Salut était l’église paroissiale d’Ortolanes. Elle est mentionnée très tôt, en 961, sous le nom d’Ecclesia Sancti Saturnini (église Saint Saturnin). En 1388, elle apparaît sous le nom de son recteur, Rector de Ortolanis. Puis, durant le XIVe siècle, la peste fit chuter la population, un déclin qui s’accentua au XVIe siècle. Au XVIIe siècle, Ortolanes n’était plus qu’un souvenir, et sa chapelle devint un édifice isolé au milieu des champs.
XVIIe siècle : L'ermitage Notre Dame de la Salut
Le XVIIe siècle marque l’essor des ermitages. Cette pratique ancestrale, déjà présente au IXe siècle en Catalogne sud, se développe rapidement. Toutes les anciennes chapelles, qu’elles soient paroissiales ou castrales, sont réhabilitées. On y apporte des modifications et on construit des bâtiments annexes pour accueillir les ermites. C’est le cas de l’ancienne église Saint Saturnin, qui change alors de nom : elle devient Notre Dame de la Salut. Ce changement de vocable se fait progressivement. En 1628, on parle d’un Hermita de Sant Sadorni, puis en 1688 d’un Hermita de Sant Sadorni a Hortolanes. Ce n’est qu’en 1786 qu’un document mentionne clairement l’église de Notre Dame de la Salut, terroir d’Hortolanes.
Les ermites du Roussillon, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, ne sont pas des religieux isolés, mais des membres à part entière de la société civile catalane. Physiquement accessibles, ils détiennent un bien précieux : le savoir. Ils incarnent la connaissance et le bon sens, et sont respectés pour cela. Les habitants viennent les consulter, notamment pour des questions de moralité.
Cette situation prend fin avec la Révolution française. En 1790, la toute jeune République vote une loi déclarant les biens de l’Église comme propriétés de l’État. Tous les édifices religieux non paroissiaux, dont Notre Dame de la Salut, sont alors vendus comme biens nationaux. La chapelle est rachetée par la municipalité de Pia.
Quelques années plus tard, les lois anticléricales s’assouplissent et les ermitages peuvent rouvrir au culte. Notre Dame de la Salut rouvre en 1846, après six ans de travaux de réhabilitation. Un nouvel ermite, issu de la dernière génération d’ermites, s’y installe. Ces ermites modernes, laïcs et vêtus en tenue catalane plutôt qu’en bure, poursuivent leur rôle de quêteurs, bien qu’ils n’aient plus l’aura d’antan. Le dernier ermite disparaît dans les années 1950, marquant la fin de cette activité singulière.
De nos jours, la chapelle appartient toujours à la municipalité de Pia. Restaurée en 1986, elle sert désormais de lieu de détente pour les habitants de la commune.