Histoire
Préhistoire
Le site de Rodès a une origine extrêmement lointaine : on y a retrouvé des pierres qui dateraient, selon les spécialistes, de -600 000 ans, ce qui en fait un site préhistorique tout à fait remarquable. Faisons un petit saut dans le temps et arrivons vers -60 000 ans.
À cette époque, l'homme se caractérisait par sa pratique funéraire, enterrant ses morts. Ceux enterrés dans les grottes nous sont parvenus, et c’est le cas pour l'une des grottes près de Rodès, qui nous a livré non seulement des ossements d'hommes préhistoriques, mais aussi des outils taillés et les restes de repas consommés dans la grotte, ce qui nous éclaire sur la faune de l'époque.
Origine du village
À l'origine, le site de Rodès n'était pas un lieu habité. La population était concentrée au château de Domanova, sur la face sud de la vallée, à quelques centaines de mètres de là, dans un lieu appelé Crozes. Mais l'intérêt de ce château étant réduit, il fallut en construire un autre, mieux situé, sur la colline du versant nord. Ce fut fait durant le XIe siècle, le site de Rodès apparaissant pour la première fois dans un document en 1080. Ce déplacement causa le déclin progressif de Domanova, mais la fin du XIe siècle vit la cohabitation des deux villages, tous deux possessions des comtes de Cerdagne, puis quelques années plus tard de ceux de Barcelone.
La famille de Domanova, seigneurs de Rodès
Les comtes, ne pouvant administrer eux-mêmes leurs vastes territoires, firent appel depuis la fin du Xe siècle à des familles locales pour gérer leurs possessions. Ces familles devinrent naturellement les seigneurs du lieu. Ainsi, Rodès et Domanova étaient sous l'administration directe de "Pere de Domanova" (1095), qui figure parmi les témoins du testament de Guillem, Comte de Cerdagne, attestant du lien proche de cette famille avec le pouvoir central.
L'année suivante (1096), son fils Pere Bernat prête serment pour le château de Rodès. On peut donc situer la seconde moitié du XIe siècle comme période la plus ancienne où le château de Rodès est attesté. Au pied de ce château, on imagine aisément la construction d'un embryon de village, un hameau de Crozes, plus au sud, créé par des villageois venus chercher refuge près des soldats. Mais on ne parle pas encore de paroisse : seule la chapelle castrale Saint Valentin assurait la présence religieuse auprès des habitants.
Le seigneur suivant, également nommé Perre de Domanova, fils du précédent, est attesté en 1150. Il tenait du roi d'Aragon une série importante de châteaux, notamment ceux d'Espira-de-Conflent, Mosset, Fuilla. Vers 1170, il abandonna certains droits sur l'église de Saint-Pierre-de-Belloc au monastère Saint-Martin-du-Canigou. En 1204, il reconnut tenir en fief pour le vicomte de Castelnou les lieux de Creu, en Capcir, Illa, Vinça, Ropidera, Espira, Estoer, Sener, Mosset et Fullà. Ce personnage important, au grand pouvoir local, avait une fille, Cerdana de Rodès. Ce prénom n'est pas anodin et tend à prouver que Rodès était devenue une paroisse plus importante que Domanova, le nom d'origine de la famille.
Rodès sous les seigneurs de Canet et leurs successeurs (XIIIe - XVe siècle)
Cerdana épousa le seigneur de Canet, lui aussi puissant dans le Roussillon. Elle apporta en dot ses châteaux et possessions, qui changèrent ainsi de mains. Face aux conflits entre le royaume d'Aragon et celui de Majorque, ce dernier fit renforcer le château de Rodès et confirma le seigneur de Canet comme possesseur du lieu, ainsi que d'autres domaines : Sainte-Marie-la-Mer, Villeneuve, Cauca, Roupidère, Fuilla, et la vallée de Mosset.
Malheureusement, la chute du royaume de Majorque entraîna l'exclusion de ses partisans. Le château de Rodès fut donné à Ramon de Perellos, fidèle à l'Aragon, qui devint châtelain. L’un de ses premiers actes fut de nommer un chevalier-délégué, Pere d'Estoher.
Protégé par son château, le village de Rodès maintint une population importante : environ 300 personnes vivant essentiellement de l’agriculture. Deux canaux d'irrigation furent construits pour alimenter les moulins installés de part et d'autre de la Têt, destinés principalement à fournir la force mécanique nécessaire aux habitants.
En 1369, un inventaire royal indique que Rodès est l'un des deux seuls châteaux royaux du Conflent.
Le principal événement suivant eut lieu en 1393 : en manque de finances, le roi d'Aragon Jean Ier vendit le château de Rodès à Ramon, vicomte de Perellos, qui le conserva jusqu’à sa revente en 1451 à Antoni Viader, bourgeois de Villefranche. La suite de l’histoire du lieu est plus floue, mais on retrouve le château et son village, ainsi que Ropiède, entre les mains de Francesc Andreu, bourgeois de Perpignan, puis de Don Galceran de Vilardel en 1504.
La famille de Perepertusa, derniers seigneurs de Rodès (XVIe - XVIIe siècles)
Le 27 juin 1543, la châtellerie des villages de Rodès et Ropidère fut vendue à Don Francesc de Perapertusa, membre de la famille de Perepertusa (Peyrepertuse). Le château resta dans cette famille jusqu’à la Révolution française. Cependant, l'amélioration des moyens de production et des conditions de vie rendait de plus en plus difficile pour le seigneur de maintenir l'obéissance de la population, notamment en matière de levée des impôts. Plusieurs confrontations opposèrent le seigneur de Rodès, qui était aussi vicomte de Joch, à ses habitants, parfois devant les tribunaux.
Un autre épisode important eut lieu le 10 décembre 1652, lorsque l'armée française entra en Roussillon pour reprendre ces territoires durant la guerre dite de Trente Ans, qui aboutira au traité des Pyrénées. Durant cette bataille, le bayle du village s’illustra en défenseur assidu et fut honoré pour cela.
Époque moderne
Au XIXe siècle, le village fut progressivement déserté, menaçant de s’éteindre complètement. Toutefois, entre 1915 et 1935, une seconde jeunesse lui permit de perdurer : une carrière de granit s’y installa, dont les bâtiments accrochés à la colline ne choquent plus personne aujourd’hui. Cette carrière alimenta les paveurs de rues de Perpignan, jusqu’à ce que le goudron rende cette méthode obsolète.