Histoire
L’histoire de Serdinya commence durant la période romaine. En 121 avant J.-C., les troupes romaines envahissent le Roussillon et remontent vers la Cerdagne. Peu à peu, elles structurent la région et construisent de grandes voies de communication. La Via Confluentana reliait la plaine à la Cerdagne (l’ancêtre de la RN116) et était ponctuée de gîtes d’étape pour permettre aux voyageurs et à leurs chevaux de se reposer. Serdinya était l’une de ces étapes.
Après la conquête carolingienne du IXe siècle, les rois francs favorisèrent l’implantation d’abbayes dans les endroits les plus reculés des territoires nouvellement repris aux Sarrasins. Saint-Michel de Cuxa ou l’abbaye de Régleilles en sont issues. Ces abbayes essaimèrent des chapelles tout autour d’elles, parfois plus éloignées. C’est ainsi qu’une chapelle fut construite sur le site de Serdinya, autour de laquelle s’installèrent les premiers Francs venus repeupler cette région devenue désertique après le passage des Sarrasins.
Elle était dédiée à saint Côme et saint Damien et fut construite au XIe siècle, puis remaniée aux XIIe et XIIIe siècles : on supprima la voûte en plein cintre pour en bâtir une autre, plus solide et plus haute. La nef, de 16 m sur 5,40 m, se terminait par un grand clocher, sorte de tour-refuge en cas d’agression. Le portail fut retouché au XVe siècle. Au XVIIIe siècle, on ajouta une seconde nef, côté nord, tandis qu’au sud apparaissait le second bras du transept, donnant à l’ensemble un plan presque carré d’environ 16 m de côté. L’extérieur est doté d’un clocher récent et d’un petit campanile abritant une cloche actionnée depuis la sacristie. Le retable du maître-autel date de 1661. Le 11 avril de cette année, Louis Générés, célèbre sculpteur de retables, promit de réaliser un retable dédié à saint Côme et saint Damien avec son tabernacle pour 45 doubles d’or et une charge de vin.
Une seconde chapelle fut édifiée à Serdinya en 1869, dédiée à saint Sébastien. Elle abrite de remarquables statues du XVIIe siècle représentant saint Sébastien, saint Antoine et saint Éloi.
Au début du Moyen Âge, les villages étaient extrêmement dispersés : il s’agissait plus de vallées ou de versants de montagne parsemés de métairies que de véritables agglomérations. Peu à peu, ces métairies se regroupèrent pour mieux se protéger, formant la base des villages actuels.
Ainsi, au Moyen Âge, le village initial se situait sur la rive droite de la Têt, à l’emplacement de l’actuel lieu-dit « Le Bac ». Il comptait plusieurs hameaux :
- Serdinya, sur la rive gauche ;
- Les Hortals, jardins où furent construites quelques manses, assez loin au nord-est, sur le haut de la Soulane ;
- Joncet, plus haut dans la vallée, également sur la rive gauche, actuellement appelé « Joncet du Bac » ;
- Flassa (Flaccianum), en haut de la montagne de la Soulane ;
- Marignans (Marinyans), plus à l’est ;
- La Guardia, plein est.
Au cours du Moyen Âge, les hameaux proches de la Têt se déplacèrent en hauteur, probablement pour échapper aux fréquentes crues. Le village principal se déplaça ainsi vers son hameau de Serdinya, et Joncet passa sur la rive gauche. Les autres lieux ne furent pas concernés. Ce déplacement eut lieu avant 1392, car cette année-là, le capbreu (registre terrier) mentionnait déjà l’hôtellerie banale de la seigneurie in cabanis de Sechdeniano.
À l’origine, le village et ses hameaux étaient dirigés par un « sagio » ou « saig », officier de justice. Par extension, ce mot désigna le village lui-même (la sajonia). Il semble qu’il s’agissait alors d’un domaine comtal, comme sa voisine Villefranche. Le comté de Cerdagne étant passé au roi d’Aragon en 1117, Serdinya resta sous domination royale jusqu’à la Révolution française. Cela n’empêchait pas la possession de certaines manses ou terres par d’autres propriétaires : à Marignans, par exemple, le manse de Mirles appartenait à l’abbaye Saint-Martin du Canigou. En 1568, le vicomte d’Evol possédait le manse d’En Vidal, sur lequel il fit bâtir le château de la Bastide.
Le capbreu de 1441 indique les reconnaissances des maisons et propriétés tenues du roi dans les territoires de Secdenya, Joncet, Mirles et autres, formant la Sayonia de Serdinya. Le 29 août 1405, le roi Martin d’Aragon accorda aux habitants les mêmes franchises qu’à ceux de Villefranche. Cet événement fut capital pour ce petit village, car il plaçait ses habitants sur un pied d’égalité avec ceux du puissant voisin.
Les moulins de Serdinya furent aliénés en 1494. Celui de Serdinya appartenait à la famille de Llar ; celui de Joncet, à l’épouse de Barthélémi Miquel, cordonnier de Villefranche. Joncet possédait également un second moulin, propriété de la famille Reynès-Llauri.
Ces possessions prélevées sur le domaine royal pouvaient être inféodées, ce qui conférait à leurs détenteurs les droits pécuniaires correspondants. Ainsi, en 1568, les héritiers d’un certain Matthieu Bambozer cédèrent au seigneur de Llar les droits qu’ils détenaient sur la dîme perçue sur des prés et champs du territoire de Serdinya. Toutefois, tous les tenanciers de la Séjonie restaient soumis à la juridiction civile du viguier de Villefranche.
Le 24 décembre 1598, Pierre Trinxet, de Villefranche, était fermier de la baillie royale de Serdinya. À ce titre, il percevait 33 livres 6 sols 8 deniers pour la vente du tiers des dîmes de Flassa (prix de 100 livres), tenu en fief pour le roi. Globalement, les revenus de Serdinya et de ses hameaux restaient modestes. En 1642, le gouverneur de Puigcerdà avait acquis les dîmes, qui ne valaient plus que 100 livres en 1651. Ces revenus furent donnés le 14 novembre 1653 à François Pasqual et de Cadell, en même temps que la justice du lieu, mais il en fut spolié peu après la prise de Villefranche par les Français. Le roi de France les attribua à Bertrand Dubreuil, qui les conserva jusqu’en 1660. Le 31 mai 1663, ils furent restitués à la fille de François Pasqual, Gracia Villafranca y Pasqual, avant d’être repris par les commissaires français le 27 mai 1664 lors de la prise de possession de la seigneurie de Serdinya, Joncet et Séjonie. Enfin, le 1er décembre 1712, les commissaires généraux aliénèrent ces droits au sieur d’Ardena-Hervault. En voici le texte :
…À titre incommutable, en faveur du sieur d’Ardena-Hervault (comte d’Hervault de Beaumont), les justices haute, basse et moyenne de Serdinya, Joncet, Séjonie, Flassa, Marinyans et la Guardia, annexes dudit Serdinya, avec la nomination des batlle et consuls, les censives, droit de chasse, pêche, houstal, taverne, gabelle, correterie, pâturages, flêque et généralement tous les droits et devoirs seigneuriaux dont le Roi a joui et dû jouir dans ces lieux, à la charge pour ledit adjudicataire de tenir lesdits domaines en justices en plein fief de Sa Majesté, et de lui rendre foi et hommage toutes les fois que le cas se présentera, et ce moyennant la somme de 5000 livres. Le 12 septembre 1712, la communauté de Serdinya racheta ces 5000 livres au nouvel adjudicataire, ce qui fit que le village revint sous la tutelle du Domaine royal.