Fort d'Amélie-les-Bains

Un fort massif qui gâche le paysage


De quoi s'agit-il ?

La ville d'Amélie-les-Bains possède sur son territoire un fort de style Vauban, moins connu que d'autres fortifications de la région, comme le fort Lagarde à Arles-sur-Tech ou le fort Bellegarde au Perthus. Cela s’explique probablement par le fait qu’il s’agit d’une propriété privée, ce qui est assez insolite pour un fort Vauban.

De taille relativement modeste, il présente une forme en étoile, suivant la logique architecturale de Vauban. Il dispose d’un avant-poste relié par un chemin couvert aboutissant à un pont-levis, face au bastion du roi, conçu pour défendre le fort contre d’éventuelles attaques. Quatre autres bastions complètent la défense. Situé en hauteur sur une colline proche de la ville, il domine la vallée du Tech, position stratégique identique à celle du fort Lagarde, qui protège la partie haute de la vallée.

Ce fort trouve ses origines au Moyen Âge, sur le site d’un ancien château médiéval, emplacement choisi pour la vue dégagée qu’il offre. Au XVIIe siècle, il a été largement remanié par l’ingénieur St Hilaire en 1670. Plus tard, Vauban a apporté des modifications en profondeur lors de sa tournée en Roussillon.

Plan du fort d'Amélie-les-Bains

De nos jours, le fort est une propriété privée et n’est donc pas visitable. Il est accompagné d’un hôpital militaire dans la ville. Vu de loin, le bâtiment principal, massif et carré, peut paraître impressionnant et détonner sur le site. Toutefois, les murailles du XVIIe siècle restent esthétiquement remarquables et témoignent du patrimoine défensif de l’époque.


Photos


Histoire

Époque médiévale

Bien qu'il n'y paraisse pas aujourd'hui, ce site militaire remonte à l'époque médiévale. Sa construction initiale fut ordonnée par Nunyo Sanch vers 1240. Il ne s’agissait alors que d'une simple tour de surveillance, nommée Torre Réal del Puig dels Banys. Cette tour fut renforcée en 1303, puis prit le nom de Sala del Banys. Elle sera rasée en 1668 pour permettre l’édification du fort des Bains.

La construction du fort fut autorisée par Louvois en 1670. Les travaux devaient être réalisés par les habitants réquisitionnés, fraîchement soumis après la fin des révoltes des Angelets, et financés par 12 000 livres : 10 000 déjà envoyées et 2 000 supplémentaires. Le 1er août 1670, le fort n’était toujours pas achevé, comme en témoigne une lettre de Louvois à l’intendant du Roussillon.


Construction du fort

"Je comprend de ce que vous me mandez que le travail du fort des bains ne sera point achevé auparavant la fin de ce mois et qu'il faudra bien tous ce temps là au Conseil Souverain du Roussillon pour prononcer toutes les condemnations qu'il doibt donner contre ceux qui doibvent estre exeptez de l'abolition généralle".

Malgré ces retards, le 1er août fut nommé le commandant du fort : Hector de Chassaigne, seigneur de Boisreclou et la Braudière. La construction battait alors son plein, avec près de 420 personnes réquisitionnées et 70 bêtes de somme, réparties sur 21 villages du Vallespir et 14 du Conflent.

Le 3 novembre, le nouvel intendant du Roussillon signala au roi la nécessité d’améliorer les défenses. Louvois critiqua les plans jugés trop petits. L’ingénieur St Hillaire, responsable du chantier, se défendit en évoquant le manque de moyens financiers, le nombre limité d’hommes et l’exiguïté du site.

Le fort avait pour mission de verrouiller l’accès du haut Vallespir. Le 20 janvier 1671, Louvois écrivit à St Hillaire pour qu’il utilise les 10 400 livres restantes de l’année précédente afin de terminer les fortifications. La garnison, déjà en place depuis l’année précédente, était trop à l’étroit : deux compagnies restaient dans le fort, une autre à Palalda, la quatrième à Arles, et la cinquième rejoignait Bellegarde, au Perthus.

En octobre 1671, l’intendant du Roussillon, Carlier, visita le chantier. Les travaux avançaient, mais il fallait encore terminer les casernes et magasins pendant l’hiver. Pour améliorer la défense, il aurait fallu ajouter une fausse-braie et trois tours, mais la dépense de 10 000 écus était trop importante pour Louvois. Avec 5 000 livres, Carlier et St Hillaire durent optimiser au mieux les moyens. En 1672, le nouveau lieutenant général du Roussillon visita le site et constata le manque d’infrastructures pour la cuisine, ainsi que la nécessité de créer un chemin couvert.

"car autrement la laissant en l'estat quelle est, sy elle estoy attaquée avec quelques vigueurs, elle ne durerait guère, par la facilité qu'il y a d'approcher le corps de la place sans estre veu, outre qu'elle est commandée en deux endroits forts considérables."

À cette époque, l’ingénieur St Hillaire fit parvenir un état détaillé des travaux :

"Les quatre bastions sont en état et terrassés jusqu'au cordon. Il faudrait seulement élever les parapets du côté de la montagne, y percer les canonières, achever la fausse-braie de la face opposée à Arles, ce qui se fera avec soixante toises de maçonnerie, il faudra faire un chemin couvert et finir le fossé du côté d'Arles, le tout coûtera 8 000 livres."


Compte rendu de Carlier

Le texte suivant est le compte-rendu que l’intendant du Roussillon, Carlier, adressa au roi de France après sa visite en octobre 1671 au fort d'Amélie-les-Bains. Il décrit l’avancement des travaux et les recommandations pour achever les fortifications conformément aux exigences militaires.

Compte rendu de la visite

"Du premier jour d'octobre 1671,

Par la visite que j'ay faicte au Fort des Beins avec le dit Sr. de Saint-Hillaire, j'ay reconneu que pour mettre le corps de la place en sa perfection et achever d'eslever le bastion de la Reyne, il convient vingt-deux thoises et demye, et dix-sept thoises pour la voulte qui doibt servir de magasins de guerre.

Toutte la dite maçonnerie sera faite à la fin du mois d'octobre; et, durant l'hiver, on achèvera le dedans des ditz logementz et cazernes, en sorte qu'à la fin de l'année le tout sera en sa perfection. L'exclavation de la cisterne ne peult estre achevé qu'à la fin du mois de janvier prochain, suivant le marché que j'en ay fait avec des entrepreneurs moyennant cinquante pistolles. On ne peult pas juger si le magasin à poudre qui est achevé sera bon, que l'on ayt veu par les grandes pluyes si les plurs des rochers ne le rendront pas trop humide pour y loger les poudres. Au cas que cela arrive et que le dit magasin demeure deffectueux et inutille, on se servira de la voulte des dits logementz dont il est cy-dessus parlé pour mettre les dittes poudres et elles y seront bien asseurement.

L'argent qui nous reste des quatorze mil tant de livres destinez pour les dits ouvrages suffira pour tout ce que dessus, à la réserve de la porte et de la voulte de la cisterne.

Quand à la fausse braye qui a esté ordonnée pour le dehors du dit fort et les trois tours qui doivent estre construittes aux trois endroits marquez sur le plan, la despense en sera au moins de dix mil escus, quelque espargne que l'on puisse faire, suivant le calcul que j'en ay fait fort exactement avec le dit Sr. de Saint Hillaire.

La compagnie (...) qui est en garnison aux Beins est très bonne en nombre de soldatz et qualité; mais les armes sont inegalles, et il y a beaucoup des réparations a faire aux habits des ditz soldatz.

La comptagnies (...) n'est pas fort nombreuse et l'officier qui en a soin fait ce qu'il peult pour le restablir; mais il a besoing pour cela du secours de son capitaine, qui est absent. Il est vray qu'il y a quelques malades."

     Carlier, intendant du Roussillon

     Octobre 1671


Guerre de 1674

En 1674, Trinxera capture Boisreclou, le commandant de la garnison du fort, et l’envoie à Barcelone. Des pourparlers sont engagés avec la France. Un certain Peireplanque, de la place forte de Saint-Laurent-de-Cerdans, assure temporairement le commandement, puis en mai 1674, du Bruelh prend le relais. Il parvient au fort par Oms et Taillet, la route de Céret étant occupée par les Espagnols. Avec sa garnison, il doit repousser les assauts espagnols, qui cherchent à s’emparer de cette place stratégique, petite mais verrouillant l’accès au Vallespir.

Le 9 juin 1674, le château de Laroque tombe aux mains des Espagnols, puis Bellegarde est pris. L’armée espagnole avance vers le fort avec 800 chevaux et la majorité de son infanterie. Le général français Schomberg tente de résister avec 2 500 hommes, mais les Espagnols reçoivent des renforts civils. Le 21 juin, le bombardement du fort commence et le fort tombe le 22. Il est repris par Schomberg le 12 juillet, tandis que les Espagnols maintiennent des positions dans les environs. Ceux-ci construisent une route pour acheminer des canons et consolider leurs positions, mais Schomberg parvient à couper leur route et occupe partiellement le fort. Le 13 octobre, les Espagnols se retirent enfin de l’autre côté des Pyrénées.

Le 18 février 1675, Boisreclou est échangé contre l’évêque de Cadix. Du Bruelh demande alors à être relevé de ses fonctions. Les travaux reprennent au fort : le chemin couvert est progressivement achevé, ainsi que la grande porte d’entrée, mais le projet initial de trois tours est abandonné.

En 1676, la menace de combats se fait sentir. L’armée française se positionne et envoie un bataillon au fort des Bains, mais les Espagnols n’engagent aucune offensive.


Améliorations de Vauban

À partir de 1679, Louis XIV reçoit Vauban et prend en compte ses recommandations. Le célèbre ingénieur militaire estime que les places fortes existantes ne sont pas parfaites et propose d’importants travaux pour les renforcer. C’est le début de la prise en main de Bellegarde par Vauban.

Situation et accès

Le fort d'Amélie-les-Bains se trouve au sud de la ville, à deux cents mètres à vol d'oiseau. Il est tout en haut du piton rocheux qui domine Amélie, un emplacement stratégique lors de sa construction. Une route permet son accès, mais elle est privée.



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