De quoi s'agit-il ?
La Via Domitia est une voie romaine créée par le consul Domitius Ahenobarbus pour relier Beaucaire, dans le Gard, au Perthus. Elle traverse le Languedoc, les passages étroits entre les étangs marécageux et les Corbières, le Roussillon, et enfin les Albères. Pour franchir les Pyrénées, la voie se scindait en deux itinéraires : l’un côtier passant par le village de Portus Vénéris (Port-Vendres) et l’autre passant par le col du Perthus, via le village de Clusa. Dès l’invasion romaine, cette voie fut essentielle pour relier rapidement les provinces espagnoles à Rome.
L’étalonnage
La Via Domitia était divisée en étapes matérialisées par des bornes appelées "milliaires". Un mille romain correspond à environ 1 481 mètres. Ces bornes servaient de repères et d’étapes pour les voyageurs, un peu comme nos aires d’autoroutes modernes. À chaque étape, il existait souvent une villa romaine offrant fourrage et chambres pour les voyageurs. Avec le temps, d’autres villas se sont implantées autour de ces étapes, donnant naissance à plusieurs villages du Roussillon : Saint-Hippolyte, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Salses-le-Château, et bien d’autres.
Les milliaires sont des monolithes d’environ 2 mètres de hauteur, gravés du nom de l’empereur qui les a fait ériger. La première borne se trouve à 2 km à l’ouest de Beaucaire, dans le Gard, sur un site actuellement en réaménagement. Depuis cette borne, un sentier permet de rejoindre d’autres bornes, la plupart encore en état, jusqu’au Perthus.
Le problème de la mesure
Une anecdote amusante à propos de la Via Domitia : quatre empereurs successifs ont étalonné la route, chacun érigeant une borne milliaire là où il estimait avoir parcouru 1 000 pieds. Chaque pied n’ayant pas exactement la même longueur selon l’empereur, un léger écart se crée à chaque nouvelle mesure. Ainsi, au point de départ (Beaucaire), la Via Domitia comporte quatre bornes successives, mais elles s’éloignent progressivement les unes des autres.
Par conséquent, si vous trouvez une borne dans les Albères, il est indispensable de lire le nom de l’empereur gravé dessus pour connaître à quelle mesure elle correspond et ainsi déterminer sa date de pose.
La plus célèbre des bornes du Roussillon est probablement celle conservée dans l’église de Saint-Hippolyte. Mesurant 1,05 m de hauteur pour 42 cm de diamètre, elle porte l’inscription : "Flavio Valerio Constantino noblissimo Caesari…" (À Flavius Valérius Constantinus, très noble César), ce qui permet de dater Saint-Hippolyte autour de l’an 330, sous le règne de Constantin le Grand.
La construction
La Via Domitia était une route non pavée, sauf peut-être dans les agglomérations et aux carrefours importants. Les joints se sont formés avec l’usure naturelle des pierres. Pour franchir les cours d’eau, des ouvrages d’art ont été construits, mais peu de preuves subsistent. En Roussillon, le passage de la Têt a probablement été assuré par un gué au niveau de Ruscino (actuellement entre Bompas et Château-Roussillon), là où le niveau de l’eau restait faible.
Les rivières plus importantes, comme l’Agly et le Tech, étaient infranchissables sans aide. On suppose que les voyageurs utilisaient des embarcations pour les traverser. Il est également possible que des ponts de cette époque existent mais n’aient pas encore été découverts, l’archéologie offrant régulièrement de nouvelles surprises.
L'entretien
L'entretien de la Via Domitia a toujours été rigoureux, ce qui se comprend facilement : il s'agissait du principal lien de communication entre l'Espagne et Rome. Les portions encore visibles aujourd'hui témoignent des soins qui lui ont été accordés. En Roussillon, on peut notamment observer des vestiges entre Torreilles et Bompas, près d’un petit pont plus récent, mais aussi au nord du château de Salses sur des terrains dégagés. Des bornes milliaires subsistent également au cœur des Albères, la plus célèbre étant conservée dans l’église de Saint-Hippolyte.
Les autres voies du département
La Via Domitia n’était pas la seule voie romaine majeure de la région. Pour accéder à la Cerdagne, les Romains avaient créé une deuxième voie, la Via Confluentana, qui traversait les Pyrénées en direction d’Urgel et se poursuivait vers le centre de l’Espagne. Sur le plateau cerdan, elle était connue sous le nom de Via Cerdana.
Voici une carte représentant les différentes voies romaines du Roussillon à cette époque :
Légende :
- Portus Vénéris : Port-Vendres
- Illibéris : Elne
- Aquae Calida : Amélie-les-Bains
- Custoja : Coustouges
- Clusa : Les Cluses