Histoire
Géographiquement, le village de Canaveilles est proche d’Exalada, un lieu où fut bâtie au IXe siècle une abbaye qui deviendra plus tard Saint-Michel de Cuxa. Près de ce site, vers le XIe siècle, fut également construit le château de Cérola, verrouillant la vallée de la Têt.
Lorsque Canaveilles apparaît dans l’histoire, c’est en tant qu’alleu donné à l’abbaye d’Exalada par la fille du comte de Cerdagne, Béra. Cela se passe en 868, sous le règne du roi Charles le Chauve. Par la suite, cette abbaye a toujours tenu les destinées de Canaveilles. Ainsi, le 22 mars 1547, le moine Barthélemi Delordre inféoda un champ à Canaveilles. Nommé en 1585 camérier commendataire à vie, Balthazar Compta fut le seigneur direct de Canaveilles. En tant que tel, il possédait les droits de haute et basse justice sur la population. Il promettait l’habitation, le feu et le lieu au premier jour du mois : Faiemus continuam habitationem in dicto loco nec non focum et locum capite cujusque mensis, ainsi que les éventuelles réparations suite aux dégâts que pourraient faire les Français sur les habitations. Il y avait 20 tenanciers, dont 4 habitaient aux Barris, à l’extrémité ouest du village. Tous étaient agriculteurs, sauf un, maçon.
Le 31 août 1773, Nicolas Saléta, avocat au Conseil souverain, renouvela les criées générales du 31 mai 1763. Ce document précisait les règlements généraux de police selon les édits royaux. Il attribuait la répartition du montant des amendes : un tiers pour le seigneur disposant de la haute justice, l’abbé de Saint-Michel de Cuxa ; un tiers pour l’église du lieu ; et un tiers pour les officiers de la juridiction.
Il existait un règlement particulier pour la chasse :
Article XXXIX : Faisons défense à toutes personnes de chasser en quelque lieu, sorte et manière que ce soit, ou sur quelque gibier de poil ou de plume que ce puisse être, dans toute l’étendue de notre juridiction, à peine de cent livres d’amende pour la première fois, du double pour la seconde, et, pour la troisième fois, attaché trois heures au carcan du dit lieu de Canaveilles le jour de marché, et banni trois ans de la dite juridiction, ainsi qu’il se trouve disposé dans l’article XXVIII de l’ordonnance de 1669 concernant la chasse. Permettons cependant aux habitants du dit lieu de Canaveilles de chasser dans toute l’étendue de notre juridiction pendant toute l’année.
En 1860, la construction d’un canal d’arrosage partant du moulin de Fedges améliora grandement les conditions de vie dans le village. L’église de Canaveilles, dédiée à Saint Martin, est de style roman et apparaît dans les textes dès 1011. Curieusement, elle a reçu une deuxième nef au sud, servant de porche. Cette église possède un mobilier intéressant, en particulier une cuve baptismale en granit.
La famille de Canaveilles
Il s’agit d’une famille ancienne, probablement apparue lors de la reconquête franque des territoires catalans en 811. Lorsque les premiers pionniers francs s’implantèrent dans la vallée de la Têt, le système féodal fit qu’une famille unique put représenter le lieu auprès du comte de Cerdagne, dont dépendait la vallée. Cette famille devint par la suite les seigneurs de Canaveilles, autour du XIe siècle.
Elle prit une grande ampleur sous les rois de Majorque (XIVe siècle), mais disparut avec eux, car elle leur était trop liée. Leurs héritages furent répartis entre les nouveaux maîtres d’Evol et les nombreux descendants des Canaveilles. Les premières traces écrites apparaissent vers le XIIe siècle. On retrouve les membres sous le nom "de Canaveilles" ou "d’En" selon la branche concernée. Ainsi, Arnaud de Canaveilles fut témoin en 1165 pour le compte du comte de Roussillon. En 1173, Bérenger d’En était moine à Saint-Michel de Cuxa. En 1230, Arnaud d’En était également moine, mais à Camprodon. En 1268, Bérenger d’En tenait en fief la "villa de Riutort" (le village) pour Esclarmonde de Conat, ainsi qu’un sixième de la dîme d’Urbanya, qu’il céda à son héritier Guillem d’En.
Le 25 septembre 1278 (7 des calendes d’octobre), Raymond de Canaveilles, fils du chevalier Raymond de Canaveilles, reconnaissait tenir en fief, aux mêmes conditions que ses ancêtres, sous la suzeraineté du seigneur d’Evol, deux parts de la dîme de Canaveilles et des Plans (Talau). Le même jour, Arnal de Canaveilles, fils du chevalier Guillem de Canaveilles, reconnaissait tenir en fief pour ledit Raymond les deux parts de la dîme de Canaveilles.
Rappelons que le vicomte d’Evol, alors tout-puissant en Conflent, tenait lui-même en fief Canaveilles pour le comte de Foix, héritier d’une partie des domaines de la Cerdagne. Le 16 décembre 1322 (17 des calendes de janvier 1323), Hugues de Canaveilles, fils d’Arnaud, fit hommage au roi de Majorque dans le château de Cérola.
Le chevalier Guillem d’En participa à l’expédition en Morée (Albanie) en 1316, sous la direction des rois de Majorque. Il était procureur en 1305 de Bernard de So, vicomte d’Evol. En 1337, on retrouve Bérenger de Canaveilles, commandant du château de Quérol (Latour-de-Carol). Il fut remplacé le 14 novembre 1340 par Raymond d’Exalada. En 1326 mourut le chevalier Bérenger de Canaveilles. La sacristie de Canaveilles conserve un petit bloc de marbre blanc sur lequel est inscrit à son sujet : Idibus januarii anno Domini MCCCXXVI incipium dormitionis Bergarii de Caueils (Canaveilles) : haec uxor sua Sclarmunda in ecclesia Sancti Martini.