Histoire
L’histoire de ce train commence en 1903 avec la promulgation de la loi autorisant la Compagnie du Midi à construire une ligne Villefranche-de-Conflent – Mont-Louis. Les premiers coups de pioche eurent lieu dès 1903-1904. Le financement fut assuré en partie par le Conseil Général de l’époque, à hauteur de 5 000 francs-or par kilomètre. L’ouverture de ce premier tronçon eut lieu en 1910. Puis les travaux se poursuivirent et, le 28 juin 1911, on put inaugurer la section Mont-Louis – Bourg-Madame. La guerre de 1914-1918 ralentit les travaux, et le dernier tronçon Bourg-Madame – Latour-de-Carol n’ouvrit qu’en août 1927. Latour-de-Carol constitue le terminus du petit train jaune.
Cette ligne ferroviaire connut une très grande importance jusque dans les années 1960. À partir de cette époque, le développement de la voiture individuelle et l’amélioration des routes, en particulier de la RN116, commencèrent à menacer le train de fermeture. En 1968, 17 lignes de chemin de fer furent menacées, dont celle du train jaune. Puis, dans les années 1970 et 1980, la ligne fut encore menacée pour cause de non-rentabilité, mais elle fut régulièrement sauvée par les cheminots, les élus locaux et les usagers. Finalement, le train jaune retrouva peu à peu une viabilité en devenant touristique, et en 2004 sa vocation touristique fut définitivement affirmée avec l’arrivée de nouvelles rames à grandes vitres. Aujourd’hui, ce train transporte environ 400 000 personnes par an.
Techniquement, la ligne est une véritable prouesse : sur à peine 60 km, les ingénieurs ont conçu 650 ouvrages d’art, dont 19 tunnels et deux ponts remarquables, dans la mesure où ils traversent la vallée de la Têt de part en part : le pont Séjourné et le pont Gisclard. Le pont Séjourné (du nom de l’ingénieur Paul Séjourné, 1851-1939) est un viaduc en pierre long de 217 m et culminant à 65 m au-dessus de la Têt. Impossible de le rater lorsqu’on prend la route de Cerdagne : on passe forcément dessous. Le pont Gisclard, lui, est un pont suspendu tout aussi impressionnant, quoique plus discret. Il porte le nom d’un autre ingénieur, également concepteur de la ligne, qui trouva la mort dans de dramatiques circonstances le 31 octobre 1909.
L’accident du pont Gisclard
Ce jour-là, le pont suspendu faisait l’objet de tests en grandeur nature. Nous étions en fin d’automne et, en cette saison, dans le Haut-Conflent, le froid était glacial. Il avait gelé durant la nuit et une pellicule de givre s’était formée sur les rails. La motrice se lança lentement sur le pont, chargée de différents ingénieurs et ouvriers chargés de vérifier son comportement sur l’ouvrage. Au premier freinage, la motrice se mit à glisser sur le givre, empêchant son arrêt. Lentement d’abord, puis de plus en plus vite, elle continua sa course sur les rails, traversant le pont suspendu. Elle prit tant bien que mal le premier virage, mais se mit à tanguer. Finalement, elle se coucha contre la roche. Le choc fut violent et ne laissa aucune chance aux passagers, projetés à l’extérieur. Cet accident resta gravé dans la mémoire collective des Catalans, et il est encore assez fréquent qu’on vous le raconte à bord du train jaune, de préférence au passage du pont Gisclard.